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le XVIe siècle lui est bien supérieur à cet égard. Nous parlerons donc des tableaux. Ils racontent avec détails la gloire de Rubens et de son école. Ces détails sont souvent inédits. Jamais en outre une vue d’ensemble de cet art n’avait été présentée d’une façon aussi concrète à notre admiration. Cette école si prisée au XVIIIe siècle, étudiée avec tant d’ardeur par Delacroix, commentée avec une attention si fervente par Fromentin, retrouve enfin son prestige. Depuis un quart de siècle il était compromis par la diffusion des écrits ruskiniens, l’inclination des historiens de l’art pour les périodes primitives, le charme subitement découvert par l’esprit moderne dans la naïveté des écoles archaïques. Les peintres d’Anvers, — à part van Dyck avec ses portraits féminins, — n’étaient plus des « peintres à la mode. » Notre crise de primitivité, dans son exagération, touche à sa fin. Les van Eyck, les Roger van der Weyden, les Memling, depuis que nous les connaissons mieux, nous sont plus chers que jamais ; et pourtant Rubens et ses grands contemporains nous réservent des émotions uniques à l’exposition ouverte depuis quelques semaines, et déjà nous redoutons le moment où leurs chefs-d’œuvre, réunis dans la capitale belge, reprendront le chemin de l’exil. Certes, les organisateurs ne songeaient pas à une réparation. Pouvaient-ils s’imaginer qu’on eût jamais cessé d’aimer de tels ancêtres ? Il ne nous est pas moins doux de constater qu’ils ont fait pour Rubens et son école, — et cela, malgré les morceaux secondaires ou douteux auxquels n’échappe aucun salon rétrospectif, — ce que le Louvre réalisa si somptueusement pour le seul peintre de l’Histoire de Marie de Médicis. Depuis 1900, Rubens occupe sa vraie place parmi les maîtres proposés à l’admiration française. Grâce à l’exposition du Cinquantenaire, voici que l’admiration universelle prépare une nouvelle ère de vie et de gloire aux grands fiamminghi du XVIIe siècle.

Commençons par la petite salle dite d’Otto Vœnius. Quelques œuvres du troisième maître de Rubens y sont placées, notamment le groupe du Louvre : Otto Vœnius et sa famille, et deux grandes peintures du musée d’Anvers : la Vocation de saint Mathieu et la Charité de saint Nicolas. Ces deux dernières sont des œuvres types de la peinture romaniste des Flandres à la fin