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quelques crédits furent votés pour encourager la navigation aérienne, des décorations furent distribuées aux aviateurs et aux aéronautes, tout le monde fit assaut de bonne volonté.

Néanmoins, le résultat tangible se fit longtemps attendre. En fait, depuis le commencement d’octobre jusqu’à la fin de mars 1910, c’est-à-dire pendant six mois, on a beaucoup parlé » on a beaucoup écrit, on a réuni de nombreux auditoires pour les entretenir de la crise actuelle de l’aéronautique militaire en France, les démarches ont été multipliées auprès des pouvoirs publics ; le résultat fut nul ou à peu près.

A quoi tient le prolongement regrettable d’une situation reconnue fâcheuse par tout le monde ? En partie peut-être au scepticisme de nos dirigeans. Il semble en effet qu’au lieu de guider en cette matière l’opinion publique et de la précéder, ils aient attendu d’être impérieusement poussés par elle. Mais la véritable cause de ce retard regrettable, c’est l’incertitude sur les moyens à employer pour sortir de notre état d’infériorité relative. Devait-on chercher la solution du problème dans l’emploi des dirigeables ou dans celui des aéroplanes ? et, en adoptant l’une ou l’autre des solutions, quel genre d’appareils y avait-il lieu d’employer ? Enfin, comment organiser notre service aéronautique militaire ? Telles sont les questions que se posèrent pendant des mois entiers les Pouvoirs publics, et le ministère de la Guerre en particulier, sans parvenir à les résoudre. Pour mon compte, je pense que la solution aurait dû être trouvée rapidement, qu’elle s’imposait aux esprits réfléchis et initiés à la question, et que depuis plusieurs mois nous aurions dû cesser de délibérer pour agir vigoureusement, en employant les moyens nécessaires en vue de parer à la situation actuelle. Si l’on avait eu au ministère de la Guerre, au point de vue technique, des idées précises qu’il était possible d’avoir et qui avaient été énoncées depuis longtemps, on ne se serait pas laissé surprendre par l’Allemagne, et on aurait pu, dès le commencement de 1908 ou de 1909, constituer largement notre flotte aérienne militaire, et lui donner une organisation incomparable.

Ce qu’on aurait dû faire, il y a près de deux ans, il est encore temps, je l’espère, de le faire aujourd’hui.