Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À l’heure actuelle où l’on entend parler couramment de moteurs pesant 10 kilos, 5 kilos, 3 kilos par cheval, il est difficile de se rendre compte des difficultés du problème il y a vingt-cinq ans. Les moteurs les plus légers employés vers 1885 pesaient au moins 200 kilogrammes par cheval. Si Charles Renard avait pu faire évoluer un dirigeable, c’est parce qu’il avait imaginé une pile électrique grâce à laquelle le poids du cheval avait pu descendre au chiffre, très faible alors, de 44 kilos. On put, grâce à cette découverte, embarquer 9 chevaux à bord de la France, ce qui eût été impossible avec tout autre moteur.

Mais ces neuf chevaux ne donnaient qu’une vitesse insuffisante ; il en aurait fallu une soixantaine pour constituer un aéronef pratiquement utilisable. Le poids du moteur par cheval devait descendre aux environs de 10 kilogrammes, même de 5 ; on était donc loin du compte. Aussi Charles Renard fut-il dès lors bien convaincu que la première chose à faire était de chercher des moteurs de plus en plus légers ; tant qu’on ne les aurait pas, on ne ferait que répéter d’une façon plus ou moins sensationnelle, mais sans aucun profit réel, les expériences de 1885. S’il n’avait eu en vue que sa réputation personnelle, il aurait eu tout intérêt à exécuter de nouveaux voyages aériens ; mais il estimait qu’en conscience, cette manière d’opérer serait un véritable gaspillage des deniers de l’État, et il préféra s’adonner exclusivement aux recherches silencieuses relatives à l’allégement des moteurs. C’est ce qui explique son inaction apparente après le brillant succès de ses premières tentatives.

Le moteur léger tant désiré par les aéronautes devait leur être fourni par une industrie nouvelle, l’automobilisme, et vers la fin du XIXe siècle on songea de toutes parts à utiliser les merveilleux moteurs à essence pour la propulsion des aérostats.

Ce n’est pas ici le moment de retracer toutes les tentatives qui furent faites en France et à l’étranger. C’est au début du XXe siècle qu’elles prirent corps, et grâce aux Santos-Dumont et aux Lebaudy, malgré quelques catastrophes et un certain nombre d’insuccès, tout le monde fut bientôt convaincu que les aérostats dirigeables allaient entrer dans la pratique courante.

Les années ne pouvaient pas rester indifférentes à cette évolution ; aussi, vit-on partout les gouvernemens encourager les recherches de navigation aérienne, faciliter les manœuvres des dirigeables, dresser à leur emploi le personnel militaire, en