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I

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas se dissimuler que l’aéronautique militaire traverse en France une crise sérieuse. Pour se rendre compte de son importance et de son issue probable, il est indispensable de savoir quels services on peut attendre des aéronefs aux armées.

On a proposé de les utiliser dans des emplois extrêmement variés : transport de personnel ou de matériel, signaux visibles à grande distance, bombardement au moyen de projectiles lancés du haut des airs, etc., etc.

En organisant il y a près de 120 ans le corps des aérostiers militaires, le Comité de salut public énumérait les avantages qu’on pourrait tirer de ce nouvel engin, et entre autres la faculté « de lancer des proclamations dans les pays occupés par les satellites des despotes. » Nous ne comptons plus aujourd’hui sur ce procédé pour faire de la propagande politique ; mais il reste d’autres moyens d’utiliser les aéronefs aux armées. Ceux que je viens d’indiquer, et beaucoup d’autres analogues ne sont toutefois que d’un usage exceptionnel. La véritable manière à la guerre de se servir des navires aériens est de les employer aux reconnaissances et aux observations ; ils doivent être l’œil de l’armée, et il n’est pas besoin d’insister longuement pour comprendre les immenses avantages que l’on peut tirer de semblables observatoires.

La grande difficulté pour un général en chef est en effet de connaître les intentions de son ennemi, les dispositions de ses troupes et les mouvemens qu’elles exécutent. Tous les procédés anciens d’exploration, reconnaissances de cavalerie, espions, prisonniers de guerre, correspondances saisies, sont sujets à caution, et ne donnent en tout cas que des renseignemens de détail forcément incomplets. Les reconnaissances de cavalerie, en particulier, viennent se heurter en certains points à la résistance de l’adversaire ; en centralisant les renseignemens qu’elles donnent, on peut tracer sur la carte une ligne limitant la zone occupée, à un moment donné, par les troupes ennemies. Mais qu’y a-t-il derrière ce rideau ? en quel point se trouve la masse importante ? de quel côté l’adversaire va-t-il diriger son attaque ? La cavalerie est absolument impuissante à nous le dire.