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LA CRISE DE L’AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE


Il y a un mois à peine, on pouvait se demander si nous avions perdu l’empire de l’air ? La France, berceau des Mongolfier, des Pilâtre de Roziers, des Meunier, des Giffard, des Dupuy de Lôme, des Charles Renard, pour ne parler que des morts, considérait depuis plus d’un siècle l’atmosphère comme un domaine qui devait lui appartenir un jour. Si la conquête de l’air a de tous temps préoccupé l’humanité, notre pays a joué le rôle principal dans les entreprises qui ont été tentées depuis la fin du XVIIIe siècle pour faire de ce rêve longtemps caressé une réalité tangible ; il semblait donc évident à tous nos compatriotes que le jour où l’on serait parvenu à évoluer à son gré au sein de l’atmosphère, ce seraient les aéronefs français qui, par leur nombre, leur importance, leurs qualités nautiques, occuperaient la première place, et que dans l’océan aérien les Français pourraient se considérer comme chez eux au même titre que les Anglais à la surface de l’océan maritime.

Il ne faut donc pas s’étonner si, à l’automne de 1909, en apprenant qu’il y avait dans le monde une flotte aérienne qui pouvait déjà passer pour supérieure à la nôtre, nous avons éprouvé une déception cruelle et de patriotiques inquiétudes. Elles étaient d’autant plus justifiées, que les navires aériens de nos voisins d’outre-Rhin étaient des engins de guerre ; ce n’était donc pas un simple froissement d’amour-propre que nous