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Il faudrait établir un semblable service aux gares de province, surtout aux ports de mer, qui sont le principal lieu de transit du coupable commerce. Les ressources manquent malheureusement. Quelles œuvres cependant mériteraient à un plus haut titre de tenter la charité privée ?

Tels sont les faits ; telles sont les mesures arrêtées par le concert des nations ; tels sont les résultats déjà obtenus. N’y a-t-il pas lieu d’espérer que l’infâme trafic pourra enfin être dompté ?

Les coups portés à l’autre commerce, non moins néfaste, des productions obscènes, par la Conférence internationale du 18 avril, ne nous semblent pas avoir moins d’importance.


II. — LE COMMERCE DE L’OBSCÉNITÉ

Le danger public de la pornographie, bien que moins apparent que celui de la Traite, est tout aussi réel.

Il réside dans la surexcitation sexuelle, dans l’appel brutal à la satisfaction des sens que produit, sur les bas instincts de la faiblesse humaine, la vue de l’image lascive ou la lecture de l’écrit obscène. Pour l’homme fait, c’est la tentation aiguë qui surprend parfois les natures les plus fortes et peut être le premier pas dans le désordre des mœurs. Pour les jeunes, c’est l’éveil de la sensualité, le rêve ardent des jouissances inconnues, de l’amour avant l’âge, qui ruine le corps autant qu’il corrompt l’esprit. Pour la femme, pour la pauvre fille que la dureté du labeur quotidien, l’insuffisance souvent trop réelle des salaires condamnent à une vie de privations et de souffrances, c’est le néfaste enseignement que la galanterie lui offre, avec tes séductions du plaisir et du luxe, les plus abondans et les plus faciles profits. Et la conséquence de tout cela est, pour tous ceux que le terrible poison a atteints, le dégoût du travail, la poursuite effrénée du plaisir, l’avilissement du caractère, la dégradation morale, la déchéance physique.

Est-il besoin d’ajouter que si la tare individuelle s’étend et se propage, si les mœurs publiques en sont altérées, c’est la pente insensible qui peut conduire un peuple à la perte de sa considération morale, au déclin de son influence dans le concert des nations, à la décadence. On a vu sans doute des États se relever, par quelque effort puissant, sur cette pente fatale. Les