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toute penaude à l’atelier. C’était l’oiseau en cage, au regard affolé, qui cherche une issue et cogne sa tête aux barreaux.

« On me prévient de ces tentatives ; j’arrive, et après une longue conversation avec la pauvre petite, je lui dis : « Puisque tu veux ta liberté, mon enfant, on te la rendra, mais d’abord laisse-toi soigner : tu es malade ; quelques jours de repos te feront du bien. » Peu à peu elle m’écoute, se calme, s’apaise, sourit, et quand je veux lui prendre la main, elle s’écrie : « Oh ! ne me touchez pas, j’ai la gale ; je ne veux pas vous faire de mal. » Elle voulait retirer sa main, mais son cœur était gagné. Elle fut soignée, guérie, et alors elle ne songea plus à partir. Encore un peu de temps, et elle acceptera, je l’espère, d’entrer dans un refuge où peu à peu on lui fera une conscience. Si je dis que j’espère, c’est que la nature de cette enfant est plus fine que celle de la plupart de ses compagnes. Elle a une fort jolie voix, s’exprime bien, évite les gros mots, est sensible à l’affection : je crois qu’il y a prise sur elle.

« Je dis qu’il y a prise sur elle ; je devrais dire qu’il y a toujours prise sur une enfant. Le tout est d’avoir la souplesse nécessaire pour trouver le joint, la patience suffisante pour attendre le résultat. Toutes ont un cœur, encore fermé chez les unes, déjà refermé chez d’autres, quelquefois gaspillé. Il s’agit de pénétrer ces pauvres âmes malades, de les éveiller ou de les réveiller, surtout de les aimer sans demander de retour. Il faut savoir attendre, essayer sans se lasser jamais, ne pas s’effrayer des rechutes, car il y en a, et beaucoup ; l’essentiel est que l’enfant nous quitte avec la conviction que nos bras lui seront toujours ouverts. »

Ajoutons que plusieurs des jeunes pensionnaires ont été placées comme bonnes chez des femmes de bien et s’y sont conduites parfaitement ; qu’un plus grand nombre, reçues par des maisons charitables d’éducation, ont été l’objet de témoignages de satisfaction.

Le but et l’organisation de l’Œuvre des gares sont précisés dans un des derniers rapport de M. Jacques Teutsch : « Je voudrais vous montrer comment l’Œuvre des gares fonctionne, dit-il. Le train entre en gare. Parmi la foule qui s’écoule, une jeune femme se dirige résolument vers notre agente. C’est une étrangère qui ne connaît qu’imparfaitement notre langue et qui ignore la valeur de notre monnaie, une dupe facile pour les