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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous serions tenté de ne rien dire de la Commission d’enquête, et d’attendre patiemment qu’elle ait repris ses travaux dont elle a renvoyé la suite au mois d’octobre. Quoique présidée par M. Jaurès, elle n’a pas fait encore de grandes découvertes, car ce n’en est pas une d’avoir appris que le banquier Gaudrion a donné 25 000 francs à Pichereau pour le déterminer à déposer une plainte contre Rochette, ou, si c’en est une, l’intérêt en est médiocre. Ce qui a pu se passer entre ces personnages de second ou de troisième plan, et qui apparaissaient d’avance sous un jour très suspect, importe assez peu. Si la commission d’enquête borne là ses trouvailles, nous persistons à croire qu’elle n’aura pas servi à grand’chose, ce que nous sommes d’ailleurs tout prêts à lui pardonner, pourvu qu’elle ne fasse pas d’autre mal.

Nous avons craint qu’elle n’en fit ; et comment aurions-nous pu ne pas le redouter lorsqu’un bureau de la Chambre a élu M. Jaurès commissaire et que la commission elle-même l’a nommé son président ? Y a-t-il eu là un défaut de conscience ou simplement de mémoire ? Comment la Chambre a-t-elle pu oublier le parti que M. Jaurès a tiré d’une autre affaire, plus grave à coup sûr, dont il s’est servi pour miner tout notre édifice politique, et pour jeter le discrédit sur notre armée ? Si cette campagne n’avait pas été menée dans les conditions révoltantes où elle l’a été, les esprits indépendans auraient pu examiner avec plus de sang-froid certains côtés de la question qui leur était posée. Au surplus, M. Jaurès était dans son rôle. Il poursuit la destruction de l’ordre social actuel et, pour cela, tous les moyens lui sont bons : il l’a prouvé de reste. Ce qui nous étonne, c’est que des hommes qui ne sont pas des révolutionnaires l’aient suivi alors aveuglément, et ce qui nous surprend encore bien plus, c’est qu’ils s’exposent aujourd’hui à recommencer. La France se ressent encore