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papistes et impérialistes, tous les partis, toutes les classes déploient la même ardeur à remplir et à embellir leurs villes, aussi bien par des monumens civiques que par des monumens religieux. C’est une véritable fièvre d’art nouveau, mélange d’idées médiévales et de traditions antiques, où domine souvent, dans l’esprit et dans l’aspect, l’influence septentrionale qui restera visible, avec les mêmes caractères, jusqu’à la fin du XIVe siècle, durant toute la période dite plus tard, par un injuste et ingrat mépris, période gothique.

Grâce aux descriptions attentives et aux analyses techniques des principaux édifices religieux données par MM. Thode et Enlart, il est désormais facile de suivre, chronologiquement, l’évolution de cette architecture transitoire, entre l’art du Moyen âge roman et l’art de la Renaissance classique. Suivant la région, suivant les villes, la mixture des habitudes nationales et celle des inspirations étrangères se présente sous les aspects les plus variés, à des doses fort inégales. En Toscane, en Ombrie, dans le voisinage du tombeau sacré, règne d’abord le type cistercien, le plus simple et le plus pur, conservant souvent encore la modeste toiture en charpente, avec une seule nef, plus ou moins vaste. Pour les églises voûtées, l’abbaye de San Galgano reste le grand modèle ; ce sont trois de ses moines qui se succèdent à Sienne, de 1259 à 1284, pour y diriger les travaux de la Cathédrale, comme maîtres d’œuvre. La maçonnerie extérieure, massive et rugueuse, de ces bâtisses hâtives restera souvent pauvre, sèche et nue, faute de l’enveloppe, luisante et luxueuse, en marbreries et en mosaïques polychromes, qui leur est destinée, suivant la mode toscane, mais qui n’a pu toujours être achevée ou même commencée, alors que l’intérieur a déjà reçu toute sa décoration picturale.

Dans l’Italie du Nord, dès la première heure, c’est avec plus de liberté et d’éclat que se fait l’alliance entre l’art gothique et l’art romano-byzantin. Les républiques universitaires et internationales, Bologne et Padoue, les républiques commerçantes et industrielles, Venise et Milan, se signalent par leurs efforts pour donner à l’architecture nouvelle une ampleur et des développemens en rapport avec la richesse du pays et les goûts de ses habitans. Depuis longtemps, l’usage des voûtes était connu en Lombardie et l’emploi de la coupole fréquent en Vénétie. L’association de l’ogive septentrionale et du dôme oriental s’y