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étroites lucarnes, ménagées dans la masse continue des murs latéraux, suivant l’usage roman, et la lueur lointaine répandue, au fond, par les fenêtres d’un court transept et d’une abside circulaire. De quelle impression grave et lugubre cette nef obscure, surbaissée, lourde, écrasante, devait-elle étreindre, plus encore qu’aujourd’hui, les pèlerins terrifiés ! « Luogo veramente cimiteriale, dit M. Venturi, tant qu’il ne reçut point de lumière plus directe par l’ouverture des chapelles latérales. » Combien d’années s’écoulèrent avant que le plan primitif fût ainsi modifié ? Après la disparition d’Elie, ses successeurs au généralat Fra Alberto, pisan, Fra Hay, anglais, Fra Crescenzio, de Jesi, Fra Giovanni, parmesan, de 1240 à 1257, furent tous des zelanti convaincus. Comment eussent-ils pensé à des embellissemens et agrandissemens si contraires à leurs principes ? Il n’est guère plus probable que saint Bonaventure, après eux (1257-1274) ; l’inspirateur du décret rigoureux de Narbonne, malgré la liberté de son imagination poétique et de sa sensibilité pittoresque, ait voulu donner lui-même un démenti à des principes de simplicité publiquement affirmés par lui dans une forme si impérative et comminatoire.

Sauf la juxtaposition d’un clocher, accoté, il est vrai, à l’église, mais sans y être incorporé, en 1257, on peut donc croire que l’aspect général des deux basiliques, basse et haute, terminées dans leur structure en 1253, lors de la consécration par Innocent IV, ne se modifia guère avant le généralat de Fra Girolamo d’Ascoli (1274-1279) plus tard devenu le pape Nicolas IV (1288). Celui-ci était à la fois franciscain enthousiaste et pontife tolérant. C’est sous son pontificat, par son ordre, que les images de saint François d’Assise et de saint Antoine de Padoue s’enhardissent, dans les basiliques romaines, à se dresser auprès des images divines de la Vierge et du Christ. La Basilique-mère ne pouvait donc lui être indifférente. Aussi ne cessa-t-il d’en presser l’agrandissement et l’embellissement exigés d’ailleurs par l’incroyable multiplication des fidèles et l’évolution du goût public, au moyen de dons personnels, concessions d’indulgences et privilèges, autorisations de quêtes, etc.

Sur les flancs de la crypte obscure, crevant les épaisses murailles, dans chaque travée, s’ouvrirent six chapelles mieux éclairées. La lourde nef elle-même s’allongea, sur le devant, d’une quatrième travée et d’un transept d’entrée formant atrium,