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dans le goût français. La grande abbaye de Casamari, « dont l’architecture paraît plus avancée, » était achevée en 1217, et son constructeur, Magister Johannes, se transportait aussitôt à San Galgano, près de Sienne, où il érigeait, dans les mêmes données, l’admirable église dont les ruines imposantes nous émeuvent les yeux et le cœur, comme celles de notre pays. C’est de San Galgano qu’allaient sortir les moines constructeurs de la cathédrale de Sienne. Dans les Marches, en Lombardie, en Piémont, même activité des Cisterciens et de leurs disciples ou imitateurs. Dans la Pouille et en Sicile, Frédéric II et ses ingénieurs français ramenés de Chypre accélèrent la transformation architecturale en introduisant des élémens gothiques dans toutes leurs bâtisses, forteresses, palais, églises. Presque partout, de côté et d’autre, le mouvement se décidait en faveur de l’architecture septentrionale, lorsque Frère Elie commanda, inspira, choisit les plans pour l’édifice grandiose que méditaient ses ambitions, et qui allait remplacer au flanc du Subasio la modeste chapelle, dédiée à la Vierge, et commencée, dit-on, par lui du vivant de François. On achevait en ce moment même, parmi d’autres édifices voisins, la cathédrale de Lanciano qui offre de nombreux rapports avec la Basilique.

En donnant au nouveau temple ses magnifiques proportions, Élie trahissait, ouvertement et scandaleusement, la pensée bien connue et les suprêmes instructions de son maître. Peut-être crut-il s’assurer son pardon d’outre-tombe en imitant, du moins, les nobles sanctuaires qu’ils avaient ensemble admirés en Provence et en Palestine et dont l’élan hardi vers les hauteurs répondait si bien, pour l’un, l’idéaliste, à celui de ses extases mystiques, pour l’autre, l’homme d’action et l’ambitieux avisé, à celui de ses aspirations dominatrices et de cette intelligence pratique avec laquelle il prévoyait l’action qu’allait exercer, sur l’imagination et dans le cœur des populations dévotes, l’édifiante et sublime beauté de ces nouvelles formes esthétiques.

D’après Vasari, c’est à la suite de longues réflexions qu’on aurait appelé un homme du Nord, Jacopo Tedesco, Jacques l’Allemand, « comme le meilleur architecte de tous ceux qu’on pouvait trouver à cette époque. » Le plan général, dressé par lui, aurait comporté les trois étages de sanctuaires, crypte sépulcrale, nef inférieure, nef supérieure. Mais Vasari est sujet à caution ! Il est possible que, cette fois encore, il se soit contenté