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certains pays le bois était plus cher que la pierre. » C’étaient sans doute quelques-uns de ces « prélats et savans » qui devaient bientôt obtenir du pape Grégoire IX, le 28 septembre 1230, une bulle déclarant que les frères n’étaient point tenus d’observer le testament. « Mais nous qui étions avec lui, disent les auteurs du Speculum Perfectionis, nous sommes témoins… Le bienheureux François ne voulut pas discuter avec eux parce qu’il était près de sa fin et très gravement malade, et que, craignant surtout le scandale, il condescendait, contre sa volonté, aux volontés d’autres frères. Mais il fit alors écrire encore dans son testament : « Que les Frères se gardent bien surtout d’accepter des églises, couvens et autres édifices construits pour eux, sinon comme il sied à la sainte Pauvreté, c’est-à-dire qu’ils n’y soient qu’hospitalisés, ainsi que des pèlerins et étrangers. »


II

L’homme de Dieu, le fondateur de l’ordre, mourut le 4 octobre 1226. Déjà, depuis plus de quatre ans, à son retour d’Orient, malade et désillusionné, il en avait abandonné la direction. Son premier successeur, Pietro Cattani, était mort, lui-même, le 10 mars 1221. La charge de vicaire général avait alors été confiée à Frère Elie, un de ses autres compagnons en Palestine. Etrange et curieux personnage que ce Frère Elie, actif, pratique, ambitieux, souple et rusé, autoritaire et vaniteux, l’antithèse flagrante, par ses qualités et ses vices, de son patron candide, le rêveur extatique, l’idéaliste irréductible. D’après les savantes recherches du docteur Lemp, Elie était, comme François, un enfant d’Assise, à peu près du même âge que lui. Son père, un Bolonais, au nom ou surnom ronflant, Bombarone, était assez pauvre. On le voit, dans sa jeunesse, gagner péniblement sa vie, à la fois matelassier et maître d’école. Mais il est intelligent, laborieux, ambitieux ; le voici à Bologne, étudiant, notaire, juriste. De bonne heure, sans doute, il pressentit le glorieux avenir de son compatriote et se hâta d’associer, avec une énergie opiniâtre, sa propre destinée à la sienne. Si son nom ne figure point sur la liste (d’ailleurs variable) des douze premiers disciples, il se trouve, dès 1217, si fort avant dans la confiance du maître, qu’il est chargé d’une mission en Terre Sainte ; il y demeure deux ans. Il n’en revient