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les vieilles peintures, par un jeune peintre anglais, dont on aimerait savoir le nom. C’était déjà, sans doute, un de ces artistes libres et curieux, venus du Nord, qui préparaient le retour prochain à l’intelligence des chefs-d’œuvre oubliés du Moyen âge et de la première Renaissance, précurseur ou compagnon des Nazaréens d’Allemagne, des Ingristes de France, des Préraphaélites de la Grande-Bretagne. Dès lors, de temps à autre, quelque étudiant ou touriste vient admirer les fresques de Giotto, de ses prédécesseurs et successeurs. Stendhal, malgré ses préjugés bolonais, les regarde attentivement. Il leur trouve bien « l’air barbare ; » néanmoins, il énumère, avec sagacité, leurs qualités durables, et définit nettement le génie du puissant novateur. L’édifice, d’ailleurs, qu’elles décorent, lui reste fort indifférent.

Il fallut, en réalité, l’heureuse explosion et le triomphe du romantisme, ses rappels chaleureux, par ses poètes, romanciers, historiens, archéologues, à l’amour et au respect du passé, pour que la vieille ville, ses vieux édifices, son vieux saint, parussent dignes enfin d’une visite aux touristes laïques, aux curieux et lettrés de tous pays et de toutes croyances.

En 1818, le pape Pie VII ordonna des fouilles dans l’église inférieure, afin d’y retrouver le tombeau du saint, dont l’emplacement, soigneusement caché aux curiosités avides des superstitions sacrilèges, était, depuis longtemps, incertain et contesté. La découverte des reliques, la publication, l’année suivante, par Carlo Fea, du procès-verbal des fouilles, sa description documentée de la Basilique, rappelèrent, décidément, sur le monument oublié, l’intérêt et la curiosité générales. Dès 1826, Valéry, bibliothécaire du Palais de Versailles, parle, dans son Voyage d’Italie, avec une admiration éclairée, des deux sanctuaires superposés au-dessus de leur soubassement de forteresses, « l’église inférieure sombre, austère, respirant la pénitence et la tendresse… l’église supérieure, brillante, lumineuse, formant un habile contraste avec l’église inférieure. » C’est déjà l’impression, juste et vive, que Taine, à son tour, éprouvera quarante ans plus tard et qu’il développera avec toute la richesse verbale de son éloquence colorée. Deux ans après, Goerres, dans son Der h. Franz ein troubadour, indiquait l’action profonde exercée sur l’imagination, la littérature et les arts d’Italie par le génie poétique du prédicateur populaire. Chez nous, bientôt, Chavin de Malan, en 1841 (Vie de saint François d’Assise), Delécluze, en 1844