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C’est en Angleterre qu’il composa le Traité de l’immortalité de l’âme pour être présenté au roi de France et obtenir à l’auteur retour en grâce. Il réussit dans ce dessein et put revenir en France, à Paris et même à la Cour, en 1621. Il eut deux années de tranquillité et de bonheur. Ce fut « le plein repos de sa vie. »

Soudain nouveau coup de foudre. Le Parnasse satyrique, recueil de vers licencieux et impies, paraît et, soit imprudence folle de Théophile, soit cupidité des libraires, avec le nom de Théophile et celui de Berthelot. Immédiatement le Père Garasse s’émut et publia un petit factum intitulé : Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou prétendus tels contenant plusieurs machines pernicieuses à l’état, à la religion et aux bonnes mœurs. Dans ce livre, Garasse fulminait contre les « ivrognes, moucherons de tavernes, esprits insensibles à la piété, qui n’ont d’autre Dieu que leur ventre, qui sont enrôlés en cette maudite confrérie qui s’appelle la confrérie des bouteilles, apprentis de l’athéisme ; » contre ces impies, « qui commettent des brutalités abominables, qui publient par sonnets leurs exécrables forfaits, qui font de Paris une Gomorrhe, qui font imprimer le Parnasse satyrique, qui ont cet avantage malheureux qu’ils sont si dénaturés en leur façon de vivre qu’on n’oserait les réfuter de point en point de peur d’enseigner leurs vices et faire rougir la blancheur du papier. »

Théophile était très clairement désigné ; car le Père Garasse racontait la vie d’un « méchant coquin nommé Théophile, qui faillit à ruiner la cour de l’Empereur Michel, n’eût été le patriarche Ignace qui s’opposa à son athéisme ; » et aussi l’histoire d’un « homme de néant, nommé Théophile, qui ruina la cour de l’empereur Eudoxe et causa plusieurs maux à suint Jean Chrysostome. » Il était désigné tout aussi précisément dans cet autre passage : « Après le méchant et malheureux Lucilio ( ? ) qui est comme le cramoisi de la gloire [glorieux au degré suprême, expression très à la mode en ce temps-là], je n’en sache pas un plus impertinent que le banni de cour [Théophile l’avait été] soi-disant ami de Dieu [Théo-phile] qui est si idolâtre de ses perfections prétendues qu’il ne s’en peut taire et que, voyant que personne ne le loue, il entreprend de le faire lui-même ; car, écrivant au prince d’Orange, il lui fait cette faveur de lui présenter sa plume comme les villageois de Grèce firent cet honneur à Alexandre de lui présenter le droit de