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Depuis le mois de juillet de cette année, un tiers de cette immense contrée est livré au commerce libre. L’Europe doit souhaiter de voir les Belges ne point mettre trop de précipitation dans cette œuvre libératrice ; elle ne sera définitive que si elle est lente et progressive.

Sur le terrain social, de regrettables abus se sont produits au Congo belge. Sans examiner, — honteuse excuse, — si des situations identiques se retrouvent aussi ailleurs, sans rechercher les mobiles qui ont déterminé l’attitude de l’Angleterre dans ces dernières années, il faut reconnaître hautement que celle-ci, en signalant au monde les souffrances des indigènes congolais, a rendu service à la Belgique et à l’humanité.

Le régime léopoldien est mort de ses exagérations ; il est bien mort. Déjà des réformes radicales s’annoncent ; demain, — nous en avons la conviction, — en verra la complète réalisation.

Au point de vue international, la situation de la colonie n’est point sans difficultés. Nous croyons que le danger pour elle vient surtout de l’attitude de l’Afrique du Sud. Mais, — que l’on ne l’oublie point, — les Belges ne sont pas les seuls intéressés dans cette question. La France, l’Allemagne, les États-Unis doivent retenir et peser les paroles de sir Lionel Phillips au banquet de Johannisburg : « Supposons cet immense territoire du Congo passé dans les mains d’autres propriétaires, et rendons-nous compte de l’énorme changement qui s’opérerait par là dans la balance des forces en Afrique… »

Les années qui vont venir verront la solution des graves problèmes dont nous n’avons pu que poser les prémisses. Les paroles royales que nous citions tout à l’heure ne seront point oubliées. Mieux que personne, le jeune souverain qui, avant de monter sur le trône, a traversé toute la grande forêt équatoriale, est préparé à donner aux destinées de la colonie une direction prudente et sage. Son règne s’ouvre plein de promesses : il se doit à lui-même de ne les point décevoir. Une période de l’histoire africaine est close ; une ère nouvelle commence.

Paul Nève.