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l’association criminelle. Elle y avait son personnel supérieur, ses agens recruteurs, ses courtiers, ses marchés, ses banques et jusqu’à une langue de convention lui permettant, sans risques, de traiter télégraphiquement ses affaires.

« Je vous envoie, dit une dépêche saisie, trois sacs de pommes de terre. Vous serez content de la marchandise. »

« J’ai besoin, lit-on dans une autre, de belles pièces de soie. Ne regardez pas au prix. » Même découverts, les faits échappaient à toute répression, pour deux raisons. Ils n’avaient pu être prévus par des législations antérieures à leur révélation. En outre, les actes successifs dont l’ensemble seul pouvait constituer le délit se trouvant disséminés sur des pays différens, les règles étroites de ce que le droit pénal appelle la territorialité, n’en permettaient nulle part la poursuite. Comment, au pays de l’embauchage, avoir la preuve de l’acte décisif qui, accompli ailleurs, peut seul le rendre criminel ? Comment, dans celui où se consommera cet acte, avoir la preuve du piège tendu au loin ? Enfin, comment saisir l’auteur dans sa vie errante, et ses continuels déplacemens ?

Une conclusion se dégageait avec évidence de ces constatations. Il fallait mettre les diverses législations en rapport avec les faits, et comme les gouvernemens seuls avaient qualité pour provoquer des modifications à leurs lois, il fallait obtenir que l’un d’eux prît l’initiative d’appeler tous les autres à se réunir en une assemblée internationale officielle, pour créer entre eux l’entente nécessaire. Tel fut en effet le plus important des vœux émis par le Congrès. Mais quelle serait la puissance qui consentirait à assumer cette lourde tâche ? Divers gouvernemens furent sollicités. Nous avons eu la bonne fortune que ce fût le gouvernement français qui accepta d’en prendre l’initiative. A partir de ce moment, on peut dire que la direction du mouvement, si à propos suscité par nos voisins d’outre-Manche, est devenu réellement française.

C’est ainsi que s’est réunie, en juillet 1902 à Paris, la première conférence internationale dont les résolutions récemment prises n’ont fait que compléter l’œuvre. Elle comprenait les délégués de seize puissances[1]. On ne saurait trop dire que c’est à elle que revient l’honneur d’avoir créé le régime de répression

  1. L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Hongrie, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède, la Suisse. Le » États-Unis ont en 1897 adhéré aux résolutions prises.