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la loi le principe de l’impôt en numéraire avec faculté, pour l’indigène, de se libérer en argent ou en travail, à son choix.

Si la loi avait changé, l’esprit de ceux qui l’appliquaient était resté le même. En haut, le spectre d’un déficit qu’aucune métropole ne pouvait combler ; en bas, la crainte de mauvaises notes pour toute diminution dans le rendement de l’impôt, faisaient persister les anciens erremens. D’autre part, le manque de numéraire rendait illusoire l’alternative laissée au natif d’acquitter son impôt en argent. L’État du Congo dont toute la circulation monétaire se montait à quelques centaines de mille francs frappés pour les besoins des centres du Bas-Congo, ne pouvait en effet introduire de monnaie sans compromettre ses finances. Le maintien du troc lui servait à protéger son domaine contre l’exploitation en fraude : une caravane chargée de marchandises d’échange est rapidement dépistée là où un marchand ambulant, porteur de quelques sacs d’argent, passe inaperçu.

En dehors de l’impôt ordinaire, la Commission d’enquête avait ‘préconisé une sorte de conscription du travail qui, par décret du 3 juin 1906, devint l’institution des « travailleurs d’utilité publique. » Recrutés chaque année dans les mêmes conditions que l’armée, ils étaient envoyés sur les chantiers du gouvernement pour un terme de cinq ans. Quoique ces ouvriers fussent payés, il n’était que trop facile d’établir un parallèle entre leur sort et celui des esclaves, de présenter l’ensemble du régime de la main-d’œuvre au Congo comme relevant de la traite, pour que le parti des réformateurs anglais y faillît.

Sans mettre en doute la sincérité de personne, le gouvernement, présidé par M. Schollaert, déclina hautement toute ingérence étrangère dans son œuvre civilisatrice en Afrique. — Ces réformes sont encore loin d’être achevées, et cependant, à deux ans de distance, le régime fiscal du Congo belge n’est déjà plus reconnaissable.

En ce qui concerne les travailleurs d’utilité publique, leur effectif a été ramené de 5 560 à 2 575, et la durée du service réduite de cinq à trois ans[1].

Ce n’est pas tout. Lors de son passage sur les chantiers de Kindu-Kingolo, le roi Albert Ier avait engagé les ingénieurs à chercher les moyens de ne plus recourir qu’à la main-d’œuvre

  1. Décret du 16 février 1910. — Bulletin officiel, 1910, p. 227.