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avait reconnu non seulement la légitimité mais la nécessité même de cette forme d’imposition[1].

Ici encore, le principe était juste, ou tout au moins très défendable. Le ministre des Colonies britanniques, M. Lyttelton, la reconnu à la Chambre des Communes : « Tout impôt dans les colonies, disait-il le 23 mai 1905, implique le travail forcé. » Et sir Edw. Grey ajoutait, le 5 juillet 1906, « qu’il est certain que le travail forcé peut être équivalent à un impôt. Si un indigène ne peut pas payer une taxe et que son travail soit donné à l’Etat pour ce motif, l’on peut appeler ce travail une taxe[2]. »

L’impôt en travail a été défendu au nom de la civilisation par des congrès coloniaux et des missionnaires expérimentés[3]. Cette taxe existe sous forme d’impôt en produits, dans l’Afrique occidentale française[4]. Dans l’Afrique orientale allemande, le défaut de paiement de l’impôt de capitation de trois roupies entraîne une prestation en travail non rémunérée (Verordnung 22 mars 1905). Il en est de même dans l’Uganda Anglais (Poll

  1. «… Le seul moyen légal dont dispose l’État pour obliger les populations au travail est d’en faire un impôt ; et c’est précisément en considération de la nécessité d’assurer à l’État le concours indispensable de la main-d’œuvre indigène qu’un impôt en travail est justifié au Congo. Cet impôt, en outre, remplace, vis-à-vis de ces populations, la contrainte qui, dans les pays civilisés, est exercée par les nécessités mêmes de la vie… « Si on reconnaît à l’État du Congo, comme à tout autre État, le droit de demander à ses populations les ressources nécessaires à son existence et à son développement, il faut évidemment lui reconnaître le droit de réclamer la seule chose que ses populations puissent donner, c’est-à-dire une certaine somme de travail. » (Bulletin officiel, 1905, p. 159.)
  2. Parliamentary Debates. Séance du 5 juillet 1906.
  3. Le Congrès Colonial réuni à Paris, au mois de juin 1905, a émis le vœu suivant :
    « Le Congrès Colonial reconnaissant l’utilité du paiement en travail de l’impôt indigène, au point de vue de l’éducation du travail indigène et de la constitution de l’outillage économique de nos colonies, et notamment de nos colonies africaines, émet le vœu que ces prestations soient maintenues sans venir en aggravation d’autres impôts de même nature et soient surtout appliquées à la réalisation de travaux publics permanens. »
    De son côté, dans son ouvrage : Vingt-huit années au Congo, Mgr Augouard, évêque du Haut-Congo français, affirme que « le travail obligatoire doit être employé avec une grande fermeté unie à une excessive prudence. » — « Mais j’entends déjà, continue-t-il, les protestations des négrophiles en chambre qui vont s’écrier que c’est le rétablissement de l’ancien esclavage. À ce compte, le Français est bien le pire des esclaves avec ses impôts, ses prestations, son service militaire et ses rudes travaux. En ne demandant aux noirs que la dixième partie de ce qu’on demande aux blancs de France, on obtiendra en Afrique de merveilleux résultats. »
  4. Il est vrai que l’administration s’interdit de recevoir les produits d’exportation, ce qui évite tout conflit avec le négoce et limite au seul besoin des postes les produits perçus.