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pas encore exploités par les natifs[1]. Le 9 juillet 1890 enfin, un décret impose le trafic de l’ivoire considéré comme un accessoire de la propriété.

C’est la naissance du régime domanial. L’Etat ayant affirmé ses droits sur les terres vacantes, frappe les principaux produits d’exportation, mais les difficultés d’application privent ces taxes d’efficacité, et le négoce profite de tout ce que perd le Trésor. Les factoriens font des affaires brillantes, mais l’Etat court à la ruine : c’est ce que certains ont appelé « la période libérale. » Convaincu que l’exploitation concurrente des produits du domaine par le gouvernement et les particuliers ne pouvait être réglementée, le roi Léopold se décida à cantonner leur activité par régions.

Un décret du 21 septembre 1891 ordonna aux fonctionnaires des districts de l’Aruwimi, de l’Uellé et de l’Ubanghi de prendre « des mesures urgentes et nécessaires » pour conserver à la disposition de l’Etat les fruits domaniaux, notamment l’ivoire et le caoutchouc. Défense fut faite aux indigènes de faire le commerce de ces deux produits qu’ils devaient livrer à un prix déterminé aux agens de l’Etat. Quant aux factoreries établies sur le Haut-Congo, elles ne pouvaient les acquérir sous peine d’être poursuivies pour recel. Une circulaire du commissaire de district de l’Ubanghi défendit aux natifs de chasser l’éléphant à moins qu’ils n’en rapportassent l’ivoire à l’Etat. Une autre du commissaire de l’Equateur leur interdit de récolter le caoutchouc pour tout autre que le fisc ; enfin, une troisième étendit la même interdiction au Haut-Ubanghi.

Les vives protestations que ces mesures soulevèrent dans certains milieux belges n’eurent d’écho à ce moment ni en Angleterre, ni en France, où l’attention des coloniaux se portait tout entière vers la côte de Guinée. Lorsque l’effervescence se fut calmée à Bruxelles, un décret intervint[2] qui répartit en trois zones les territoires caoutchoutiers. Dans la première comprenant plus du quart des terres vacantes, la récolte était abandonnée aux particuliers[3]. L’Etat se réservait la moitié de la grande forêt[4]. Enfin, le bassin du fleuve, en amont des

  1. Bulletin officiel, 1889, p. 218.
  2. Décret du 3 octobre 1892, Bull, off., 1802, p. 308.
  3. Bas-Congo, région des cataractes, Rasai, boucle de fleuve jusqu’aux Stanley-Falls.
  4. Bassin de l’Uellé, de l’Aruwimi, des rivières équatoriales au Nord et au Sud de la boucle du Congo.