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les dernières années de sa vie surtout, il poussa trop loin l’usage de droits dont la rigoureuse application par ses agens eut sur les populations des effets néfastes.

Pour comprendre par quelle pente insensible il y fut entraîné, il faut se rappeler les conditions exceptionnelles dans lesquelles le Congo belge vit le jour. Ses premières années furent à ce point précaires que pendant longtemps et au seul point de vue financier, on le crut non viable. Comme charges, toutes les dépenses d’exploration et d’occupation d’un pays quatre fois grand comme la France, d’accès difficile et de climat dangereux, occupé, aux deux tiers, par des peuplades cannibales et, pour le tiers restant, par des traitans arabes prêts à se défendre les armes à la main. Comme recettes, ni droits d’entrée, ni péages, ni accises ; des droits de sortie perçus sur le maigre négoce d’exportation entretenu par les six maisons de commerce perdues dans ces parages abandonnés ; et pour combler le déficit, à défaut des subventions d’une métropole, les subsides personnels d’un souverain de fortune modeste comparée à celle des « capitaines d’industrie » américains et des « magnats » de l’Afrique du Sud.

On essaie d’un emprunt en 1888 : il ne réussit pas ; d’une convention avec la Belgique en 1890 : elle ne comble que momentanément le déficit ; de l’établissement de droits d’entrée modérés lors de la Conférence de Bruxelles : on en perçoit à peine les résultats.

Les charges augmentent, il faut occuper les frontières ; les Arabes deviennent pressans. L’Etat a une dernière ressource : la mise à fruit de son domaine, d’un domaine immense dont le revenu peut être considérable. Qu’il l’exploite, et la période besogneuse prendra fin, la réalisation du vaste programme que l’on s’était tracé sera assurée. Et le régime domanial s’esquisse, se précise, s’affirme, s’impose. Il alimente le budget et c’est bien ; il l’équilibre, c’est merveille ; mais on va plus loin, on prétend subventionner des œuvres métropolitaines, et, — c’est le cas de rappeler la parole de Montesquieu, — cette exagération entraîne la condamnation du système.

Dès le 30 avril 1887, un décret avait mis des conditions à l’occupation des terres domaniales et aux coupes de bois destinées au chauffage des steamers. Deux ans plus tard, le 17 octobre 1889, un autre décret fixe les conditions de la récolte des produits végétaux dans les terres domaniales où ils n’étaient