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s’est complètement rasséréné, car l’avenir pourrait nous apporter un démenti, mais enfin nous avons quelque temps de répit, et nous émettrons hardiment une espérance à plus longue portée si les puissances, éclairées par l’expérience, comprennent mieux que par le passé les obligations qui leur incombent. Les Crétois jouent avec elles, les tâtent, les mettent à l’épreuve pour reconnaître la force ou la faiblesse de leur volonté. Le jour où ils ne pourront plus douter qu’elles ont une politique arrêtée et qu’elles sont résolues à la faire prévaloir, leur attitude changera. Cette politique se résume en deux mots : souveraineté de la Porte, autonomie de la Crète. On a pu en poursuivre une autre hier, on pourra peut-être en adopter une autre demain ; mais aujourd’hui celle-là seule est possible, et comme elle est conforme aux principes du droit des gens, rien n’est plus honorable que de la soutenir. La paix de l’Orient, et peut-être de l’Occident, y est d’ailleurs intéressée.


D’importans mouvemens diplomatiques ont eu lieu depuis quelques jours : ils ont porté sur deux des principaux ambassadeurs accrédités auprès du gouvernement de la République. Nous ne pouvons qu’exprimer des regrets du départ prochain de M. le prince Radolin, ambassadeur d’Allemagne, et de M. le marquis del Muni, ambassadeur d’Espagne à Paris. L’un et l’autre ont contribué grandement, dans des circonstances délicates, quelquefois même dangereuses, à maintenir de bonnes relations entre leurs gouvernemens et le nôtre.

Circonstances dangereuses ? le mot est peut-être excessif ; nous aimons à croire que, pas plus du côté allemand que du côté français, on n’a envisagé comme possibles les éventualités qui s’y rapportent ; mais enfin les esprits étaient très émus, très excités de part et d’autre au moment du conflit marocain, et les moindres fautes auraient pu avoir des conséquences qui auraient dépassé et entraîné la volonté des hommes. Il faut rendre au prince Radolin la justice, — et nous le faisons avec plaisir, — qu’il n’a rien négligé de ce qui pouvait, entre Berlin et Paris, dissiper les malentendus, concilier les intérêts, apaiser les caractères. Le sien est naturellement bienveillant. Sa grande expérience, son esprit observateur et fin, la parfaite courtoisie de ses manières, tout contribuait à faire de lui un diplomate éminent. Il sera difficile à remplacer parmi nous. Il ne pouvait d’ailleurs pas l’être mieux que par M. de Schœn qui, dans le cours de sa brillante carrière diplomatique, a passé plusieurs années à l’ambassade d’Allemagne à Paris, et y a laissé les meilleurs souvenirs. C’était au temps où