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l’Ecole, communauté de labeur entre l’État et l’Église ; Windhorst constatait avec douleur que le projet Falk préparait la séparation ; alors les Églises auraient leurs écoles à elles, il le faudrait…

Moins ouvertement antireligieux que Virchow, le juriste Gneist introduisait certaines distinctions tranchantes qui donnaient l’illusion d’être nettes : l’enseignement scientifique, professait-il, doit être donné d’après des principes scientifiques, l’enseignement religieux d’après des principes dogmatiques. Formules trop simples, trop abstraites ; fragile en est la raideur ; elles gauchissent, elles se brisent, au premier contact avec la réalité. Entre la science et le dogme, elles échafaudent des cloisons étanches ; mais le besoin qu’a l’intelligence d’être unifiée prévaut contre ces cloisonnemens factices. Gneist croyait apporter une solution ; il n’avait fait qu’énoncer un problème.

Ainsi luttaient l’Église et l’incroyance, le christianisme et le paganisme, la foi et la raison, Dieu et l’athéisme ; spectateurs du combat, Falk et Bismarck tardaient à s’y mêler. Il ne s’agissait point, à leurs yeux, — aux yeux surtout de Bismarck, — de savoir laquelle des deux philosophies devait régner dans l’École, celle de Reichensperger ou celle de Gneist, celle de Windthorst ou celle de Virchow : le débat était un débat politique. Pour l’instant, ce qui les préoccupait, ce n’était pas encore la lutte des idées, c’était la lutte des langues, là-bas au fond de la Posnanie : pour être victorieux dans cette lutte de langues, il fallait en finir, très vite, avec les curés polonais qui, dans les écoles, favorisaient le polonais, et voilà pourquoi Falk était si pressé. Voilà pourquoi ce projet que Windthorst taxait d’obscur et d’incomplet, devait être voté, tel quel, sans qu’on attendît l’élaboration d’une loi générale sur l’enseignement. Falk se faisait modeste ; pour le moment, il ne prévoyait, en vue de l’application de la loi, qu’un crédit de 20 000 thalers ; il suffisait qu’elle fût promulguée, et qu’elle énonçât victorieusement ce principe, que les inspecteurs scolaires étaient les serviteurs de l’État ; on immolerait quelques curés, hostiles à l’idiome national et à l’idée nationale, mais peut-être les pasteurs évangéliques resteraient-ils tous en place ; et ce n’était point avec 20 000 thalers qu’on aurait le moyen d’appointer beaucoup d’inspecteurs laïques. Et chacune de ces assurances par lesquelles Falk espérait ramener la sécurité suscitait une inquiétude nouvelle : ce que l’État demandait, c’était, en définitive, un