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moyenne. En attendant que celle-ci puisse donner des officiers, des écoles dites d’instruction accélérée ont été formées dans les provinces et, pour assurer l’uniformité de l’instruction, les jeunes gens sont ensuite envoyés à Pao-ting-fou, école impériale d’instruction rapide. Les officiers de la nouvelle armée ont fort bonne apparence. Leur grande courtoisie, les formes rituelles de leur politesse à l’égard de leurs supérieurs, donnent une impression de grande discipline. Toute l’instruction comme conducteurs d’hommes est à faire. La passivité du caractère de la race domine. Leur loyalisme n’est pas sûr. Le China Times de Pékin du 18 avril 1910 contient cette information caractéristique : « Les examens des étudians militaires qui ont fait leurs études à l’étranger ont été ajournés par crainte que des révolutionnaires ne se trouvent parmi eux. » Il faut ajouter que les officiers de l’ancienne armée, éliminés peu à peu, grossissent les rangs des mécontens. Beaucoup de grands chefs, mandarins civils déguisés en militaires, n’ont aucune idée des obligations de leur état ni de leurs fonctions. Les règlemens allemands sont exactement suivis. Les Chinois, émerveillés par le pas de parade, lui attribuent volontiers les succès de 1870. Ils ne peuvent pas saisir la différence entre une instruction mécanique conservée en Allemagne par tradition, tendant à faire du soldat une machine, et l’instruction de combat, où toutes les qualités d’intelligence, d’initiative et de souplesse doivent être développées. Les facultés d’imitation de leur race sont appliquées aux exercices en rangs serrés qu’ils considèrent comme de l’art militaire. Il faut leur rendre justice, ils les exécutent fort bien. Les troupes sont baraquées dans des camps situés à quelque distance des villes. Les tirs sont rares, parce que l’argent manque pour payer des cartouches. Pour cette raison, certains corps ne tirent jamais.

L’engouement pour les méthodes allemandes s’est surtout développé depuis 1895. À cette date, une mission comprenant 42 officiers et 24 sous-officiers avait été envoyée au Tchili. Elle dut se rendre à Nankin où ces instructeurs organisèrent une école appelée Tse-Kiang-Kiun, c’est-à-dire « armée du progrès-par soi-même. » Elle fonctionnait sous la protection nécessaire du vice-roi Tchang-tche-toung, car les populations étaient hostiles. On le vit le 17 mars 1896. Le major, deux lieutenans furent attaqués à coups de pierre et un sous-officier fut blessé.