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unanime en faisant le procès de M. Maura et en déclarant que si la droite revenait au pouvoir, il recourrait contre elle à tous les moyens, même à l’attentat. La fermentation des esprits a atteint les dernières limites et le gouvernement a pu s’apercevoir que certaines alliances, même conclues provisoirement, n’étaient pas sans danger.

Mais venons-en à la partie politique du débat. En réponse à l’évêque de Madrid, qui s’était plaint de ses décrets, M. Canalejas a déclaré, dans des termes d’une grande raideur, qu’il a à la vérité atténués par la suite. « Ou bien cette question, a-t-il dit en parlant des congrégations, se réglera en paix et en concorde, ou bien le gouvernement la réglera lui-même en usant de ses forces et de son énergie. Nous n’aurons pas la concorde ni la paix tant que subsisteront des doctrines que ni nous ni vous ne pouvons admettre. Qu’une pression cherche à s’exercer sur la politique du gouvernement, jamais ! Le pouvoir de l’Église sur l’État, jamais ! Il y a un élément religieux qui envahit Un terrain où il n’a rien à voir. » Nous connaissons les formules dont se sert le ministre espagnol pour les avoir entendues déjà dans d’autres bouches que la sienne ; mais, si on les prend au pied de la lettre et 31 on en tire les dernières conséquences logiques, à quoi bon des négociations avec Rome ? A quoi bon un Concordat ?

Un rédacteur du Figaro a eu avec M. Maura une conversation dont la conclusion nous a frappé. Après avoir parlé de l’importance pour l’Espagne d’un accord avec le Saint-Père, chef d’une religion qui est incontestablement celle de la grande majorité des Espagnols : « Comme en même temps que ce fait, a dit M. Maura, on constate celui-ci, que les révolutionnaires ont un intérêt primordial à ce que la question ne soit pas résolue par des voies pacifiques, car c’est la seule qui leur permet de provoquer l’agitation et de simuler l’harmonie entre élémens si divers, qui vont de la démocratie bourgeoise à l’anarchisme, il est extrêmement ardu d’apporter une juste mesure dans la réforme. Je souhaite vivement à M. Canalejas d’y réussir, et je l’espère, sans oublier pour cela ses devoirs comme chef du parti conservateur et tout ce qu’ils comportent. » C’est — pour le moment — le mot de la fin.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant, 

FRANCIS CHARMES.