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seulement, la chose n’y était pas. Comment aurait-elle pu y être après les discours pleins d’amertume de M. Berteaux ? Aussi M. Briand a-t-il repoussé son ordre du jour. Un parti qui aurait eu quelque dignité l’aurait maintenu ; après s’être engagé à fond, il n’aurait pas reculé ; il aurait préféré la défaite. Mais point ! M. Berteaux a retiré son ordre du jour et s’est rangé à celui que M. Briand avait accepté, ne voulant pas que le parti radical débutât, au seuil de cette législature, par une déroute trop apparente. Toutefois, pour avoir été déguisée, la déroute n’en a pas été moins certains. Mis en fuite par M. le président du Conseil, les radicaux ont cru, avec la bravoure qui leur est propre, pouvoir prendre impunément leur revanche sur les progressistes. M. Berteaux a expliqué qu’un des motifs pour lesquels il lui accordait sa confiance était que M. le président du Conseil les avait exclus de sa majorité. Notez que M. Briand n’avait pas dit un mot de cela, ni directement, ni indirectement : Cette diversion n’a pas porté bonheur à M. Berteaux. Dans une improvisation spirituelle et vigoureuse, M. Aynard a dit leur fait aux radicaux ; il leur a rappelé toutes les tares de leur politique, depuis le général Boulanger qu’ils ont porté au pouvoir, jusqu’à M. Combes qu’ils y ont soutenu ; il s’est amusé de leurs airs consternés pendant que M. Briand leur disait : « Assez, n’allez pas plus loin ! » Sa parole vengeresse a été très applaudie par le centre : les radicaux l’ont écoutée la tête basse et la bouche close. Quant à l’ordre du jour de confiance accepté par le gouvernement, M. Aynard a annoncé que les progressistes, après en avoir demandé la division, en voteraient l’ensemble. Les vieux parlementaires n’attachent d’ailleurs pas une grande importance au texte d’un ordre du jour où les novices croient mettre beaucoup d’intentions perfides : ils se contentent d’yen mettre d’autres. Ces manœuvres parlementaires ont souvent, dans la forme, quelque chose d’artificiel que nous n’approuvons pas, car le pays est sujet à s’y tromper ; mais la Chambre, elle, ne s’y trompe pas, et le rôle des radicaux dans ce premier vote de la législature lui a paru très clair. Le programme de réformes contenu dans la déclaration ministérielle sera discuté en son temps : c’est l’affaire de demain. Aujourd’hui il s’agissait d’approuver ou de désapprouver la méthode de gouvernement, libérale et tolérante, qu’avait exposée M. le président du Conseil. Le groupe radical et les groupes du centre l’ont approuvée pareillement, mais non pas également. En ce qui concerne le premier, le cœur n’y était pas.

Nous parlons des groupes. Il y en a eu toujours, et on en peut dire