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France, qui exerce encore et se doit de développer largement parmi eux sa primauté intellectuelle. C’est à l’Institut de France, en 1816, que Jean VI s’adressa, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Paris, pour déléguer à Rio une sorte d’Académie des Lettres et Arts ; plusieurs de nos poètes contemporains sont populaires là-bas et les gens instruits ont depuis longtemps fait justice de la légende que la littérature française se réduit à de grossiers romans. L’Argentin Léopold Diaz dédie à J.-M. de Heredia son Atlantide conquise, où il chante la floraison américaine du noble sang latin ; le Vénézuélien R. Blanco-Fombona est le poète de la vie nouvelle qui monte, de Bolivar et des gloires nationales, de toute l’ardeur de races vibrantes vers l’avenir.

Et ce mouvement est comme un reflux vers les sources de l’Europe latine. La lutte inaugurée contre les métropoles n’est qu’un épisode qui a interrompu, mais pour un temps seulement, la sympathie de filiations désormais indélébiles. L’Argentine a rayé officiellement de son hymne national un couplet que les Espagnols ne pouvaient entendre sans rancune ; des conférenciers venant de France, d’Italie, d’Espagne sont recherchés dans toutes les grandes villes, dans les cercles, dans les Universités, et jamais plus volontiers acclamés que lorsqu’ils découvrent, devant leurs auditoires studieux ou mondains, les affinités latines des races sud-américaines. Buenos-Ayres va célébrer le centenaire de l’émancipation par une Exposition Universelle et par un congrès international des Américanistes, dont la session s’achèvera en une tenue complémentaire à Mexico ; d’ores et déjà, nous avons l’assurance que les spécialistes des Républiques du Sud ne s’y montreront pas inférieurs aux plus qualifiés de leurs confrères étrangers ; ce sera, de leur part, coquetterie nationale autant que professionnelle.

Cette Exposition doit être le motif de réunions plus politiques ; servies par le chemin de fer transandin, tout récemment achevé (mai 1910), des délégations chiliennes, conduites par le président de la République, viendront visiter l’Argentine ; les présidens de l’Uruguay et du Brésil probablement aussi, se rencontreront à Buenos-Ayres ; et ces manifestations seront hautement symboliques. A mesure, en effet, que les nationalités sud-américaines se déterminent, chacun des Etats prend une conscience plus nette en même temps de ce qui le distingue