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J’espère revoir ces merveilles avec vous à la fin du mois prochain et je m’en fais une fête. C’est déjà une joie de pouvoir vous dire : A bientôt.

Mes meilleurs souvenirs à D…, et pour vous, ma chère amie, toute ma fidèle affection.


Montauban, 28 juillet 1905.

Les joies, ma chère amie, s’appauvrissent, se rapetissent en vieillissant de jour en jour ! C’est triste, mais c’est déjà beaucoup que l’absence de malheur et il faut même en être heureux. Ce n’est pas un malheur que nous avons eu la semaine dernière, mais un gros chagrin. Marquise[1] est morte. Elle vivait si peu que la différence n’a pas dû être grande pour elle. Mais pour nous c’est un grand vide. Ses infirmités demandaient des soins assidus qui nous importunaient quelquefois — dispensez-moi des détails. Mais parce que nous étions continuellement occupés d’elle, elle nous manque davantage. Et puis dix-sept ans de vie commune, ça compte ; nous avions vieilli ensemble.

Elle repose maintenant dans la pelouse du jardin sous un chapiteau gothique. Du lierre commence, à grimper au socle… Ainsi finit l’histoire de Marquise. Je m’attriste en vous la racontant. Et je ne sais pas au juste si c’est à cause de la mort de Marquise ou si c’est l’effet d’une marche funèbre qu’on joue dans la rue en portant au cimetière un capitaine de dragons que je ne connaissais pas d’ailleurs. La musique pleure le capitaine et je pleure Marquise. Mais voilà assez de deuil et de tristesse.

Nous partons la semaine prochaine pour les Pyrénées et je compte, pour me désattrister, sur les eaux vives et les ombrages de Bagnères-de-Bigorre.

Et vous, pendant ce temps, vous aurez les grandes eaux de Versailles et ses ombrages. Le parc doit être admirable, l’été.

Donnez-moi de vos nouvelles. Je vous serre affectueusement la main ainsi qu’à votre fille. Votre fidèlement dévoué.


EMILE POUVILLON.

  1. Sa petite chienne.