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avec leurs grands chevaux d’Australie. Venus de la Nouvelle-Galles du Sud, que de soins n’a-t-il pas fallu pour les faire monter jusqu’ici !

Le grand temple bouddhique, le Bouddhnath, que j’entends communément nommer le « Grand Bôdh, » est particulièrement fréquenté par les Tibétains ; une troupe de pèlerins est en train de prendre ses ébats dans le voisinage. Ils ne sont certes pas beaux, mais quelles bonnes faces réjouies et aimables, chez les femmes surtout ! Quel air franc, ouvert, sympathique ! Comparés à leurs voisins de la haute montagne, les Gourkhas révèlent évidemment le croisement avec l’Hindou. Leur visage est plus allongé, leurs yeux plus grands, leur nez mieux détaché du front, mais leur physionomie est moins épanouie.

Charmante et naïve est la légende bouddhique des origines du grand tchaitya. Une divinité ayant d’aventure pleuré de pitié, une vierge naquit de la larme céleste. Mais ayant cédé à la tentation de voler des fleurs au Paradis, elle se vit renaître sur terre dans une famille de pêcheurs. Devenue grande, mariée, ne s’enrichit-elle pas dans le commerce des oies ? Ayant résolu alors de faire bâtir un tchaitya, maligne, elle vint trouver le Roi et lui demanda, pour le construire, l’espace de terrain qu’une peau de bête arriverait à délimiter. Or, découpée en minces lanières, la peau parvint à ceindre une surface inattendue ; en vain, les gens de la Cour protestèrent, le Roi fut fidèle à sa parole. Quand la fondatrice mourut, ses fils achevèrent le monument et y déposèrent des reliques du Bouddha Kacyapa.

Au centre d’une grande place carrée, bordée régulièrement de maisons qui servirent de monastères aux bonzes et qui sont habitées aujourd’hui par des artisans newars, un vaste hémisphère, surélevé sur une plate-forme à trois étages, est dominé par une tour carrée revêtue de cuivre. Elle présente sur chaque face deux grands yeux ouverts, les yeux du Bouddha que je rencontre si souvent sur les portes et les ouvertures des maisons, un œil sur chaque vantail. La tour se couronne d’une de ces hautes pyramides dont la conception architecturale est, d’après le docteur Le Bon, issue de la superposition des primitifs parasols multipliés et décroissais soudés ensemble. Un édicule en forme de cloche la termine. Sur chacune des faces est un sanctuaire ; d’autres, plus petits, sont placés aux angles. Dans le mur d’enceinte, des moulins à prières posés tout autour, dans