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décors fort heureux, couvrent les bras, et d’autres en métal, plus larges, leur retombent sur les pieds. Ces femmes doivent souvent porter sur elles leur fortune tout entière si j’en juge par le poids d’or ou d’argent de certains de ces bijoux toujours massifs. Les hommes les affectionnent aussi et les coolies, selon leurs moyens, n’en sont pas dépourvus.

Je remarque encore au poignet des hommes et des femmes une petite ficelle nouée que j’ai supposée pleine d’intentions et qui m’avait fort intriguée pendant le voyage. On me dit qu’à la Djani-Pouri, la fête de Djani, qui coïncidait cette année avec la pleine lune d’août, un brahmane doit passer ce cordon au poignet droit des hommes et au poignet gauche des femmes, en récitant des mantras, prières, pour leur assurer la santé ; on ajoute qu’au jour de Lakshmi-Pouja, la fête de Lakshmi, déesse de la Fortune, femme de Vichnou-Narayana, on délie ce cordon pour l’attacher à la queue d’une vache. Je suis bien sûre d’avoir vu ce bizarre bracelet en Rajpoutana avant la pleine lune d’août, ce qu’explique le retard du calendrier népalais sur le calendrier hindou.

Ce qui me plaît sur ces femmes qui vont toujours en cheveux, c’est le disque en or de douze centimètres de diamètre qu’elles portent dressé contre le chignon, au sommet ou parfois sur le côté de la tête[1]. Leur abondante chevelure noire est toujours ornée de fleurs ; en cette saison, ce sont surtout de petits soucis brillans et chiffonnés comme des œillets d’or.

Toujours flânant, nous sommes arrivés sur une grande place hors la « city, » au milieu de laquelle se trouve une pagode. C’est l’extraordinaire et pyramidale tour de Bhim Sen Thapa, qui se dresse en manière de campanile à deux cents pieds du sol dans une large enceinte ajourée par le haut. Près de là, sur la même place, une de ces curieuses fontaines spéciales au Népal, une dhara, qu’on ne découvre qu’en s’approchant, se creuse en piscine quadrangulaire, entourée de terrasses superposées à travers lesquelles un escalier central descend pour amener les fidèles à l’heure des ablutions, aussi bien que les ménagères avec leurs grandes cruches de cuivre au ventre rebondi et brillant. De délicates nervures bordent les terrasses. Couvertes de rouge, toujours pour la Dessera, deux idoles, dans leurs petits mandirs (temples hindous), dominent les robinets d’ablutions dont les

  1. Ces disques valent souvent de 2 à 400 francs.