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d’un mysticisme superstitieux, comme l’élément mâle qui représente le Bouddha ; à côté, la ghanta (la cloche), élément féminin, symbolise flatteusement Prajna, la sagesse, formant avec elle le couple organique, comme le linga et la yoni qui deviennent le lotus et la source.

Il paraît indiscutable que les missionnaires bouddhistes n’ont été précédés au Népal que par des colons chinois, dont l’histoire se perd dans la légende, mais qui semblent y avoir importé les premiers élémens de la grande organisation chinoise, de son commerce, de sa culture, de ses mœurs. La montagne de Swayambhou joue un grand rôle dans la préhistoire. Au travers de fables merveilleuses et diffuses, je crois comprendre que Swayambhou, ou tout autre représentant d’une divinité supérieure, est apparu sous forme de lumière sur l’éminence qui se dresse au milieu de la vallée.

C’était le temps où cette vallée était occupée par un immense lac. Un saint personnage, le bodhisatva Manjouçri vint de Mahatchina (la grande Chine) prier trois nuits sur la montagne, puis se dirigea vers le Sud et entreprit de tailler un passage aux eaux du Nag-Hrad. Il plaça alors les deux déesses Barda et Mokashda de chaque côté de lui, sur deux hauteurs opposées, et prenant son cimeterre, coupa la montagne en un lieu qu’il appela Kotwal ; par la brèche, les eaux s’écoulèrent et firent place à la plantureuse vallée. De fait, la Baghmati, l’une des plus importantes rivières du pays, en sort à Kotwaldar.

Je ne saurais énumérer toutes les merveilles qui se succédèrent au Swayambhou, tant sont apparus de lumières et de dieux sous les formes les plus variées ! Brahma, Vichnou, Çiva, sont mêlés à l’affaire ; et, je le constate avec effroi, nul n’apparaît sans donner un nom nouveau à la montagne et aux divers lieux ; chacun fait de nouvelles fondations de temples et de monastères, puis « s’en retourne à son ancienne demeure, » selon la formule liturgique. La vache, l’animal sacré dans tout l’hindouisme, dont le respect constitue chez beaucoup de Newars, quelques superstitions mises à part, le seul article de foi, tient son rôle dans ces récits, et nous saurons même comment elle mentit par la bouche et dit la vérité avec sa queue.

Çiva, sous le nom de Maheçvara et sous la forme d’une gazelle, vint sur la montagne, s’y fit lumière, et cette lumière