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en Normandie : habile homme, qui, après s’être montré dévoué à la cause des Anglais et avoir (avec Luxembourg et Cauchon) représenté le roi Henri VI au Concile de Bâle, se retourna à temps et devint un des premiers partisans de Charles VII dans la province. Il fut consulté par Cauchon sur le cas de Jeanne et se prononça contre elle, « attendu, dit-il, qu’il n’était pas à présumer qu’une personne de condition aussi vile eût des révélations et des visions venant de Dieu. »

L’évêque de Coutances, Philibert de Montjeu, bourguignon déclaré, donna une adhésion sans réserve au procès et à la sentence contre Jeanne. Mais il partit bientôt pour Bâle, où il joua un grand rôle jusqu’à sa mort, arrivée à Prague en 1439.

Parmi les autres évêques de la province normande, deux étaient absens, ceux de Bayeux, Nicolas Habart, et d’Evreux, Martial Fournier ; d’ailleurs dévoués, tous deux, à la cause anglaise, ils eussent opiné comme la majorité de leurs collègues ; un autre, l’évêque de Séez, Robert de Rouvres, était auprès du roi Charles VII et avait assisté au sacre de Reims ; naturellement, il ne fut pas consulté. Le quatrième, Jean de Saint-Avit, évêque d’Avranches, interrogé, eut le courage de répondre : « Es choses douteuses qui touchent la foi, l’on doit toujours recourir au Pape et au Concile général. » Son avis ne fut pas inscrit au procès ; on ne le connaît que par le témoignage d’Isambart de la Pierre. Cet homme courageux fut jeté en prison, l’année suivante, comme, soupçonné de vouloir rendre la ville de Rouen aux Français.

Hors de la province de Normandie, d’autres évêques en titre se prononcèrent contre Jeanne : William Alnwich, cvêque de Norwich en Angleterre et garde du sceau privé de Ilenvi VI. Il assista à l’abjuration et au supplice : c’est un Anglais. Jean de Mailly, évêque de Noyon, voisin de l’évêque de Beau vais et, comme lui, pair ecclésiastique du royaume de France ; il eut une part très active au procès, sans se mettre en avant comme son fougueux collègue. Plus habile, également, par la suite, il rentra en grâce auprès de Charles VII et figura au procès de réhabilitation, comme président de la Cour des Comptes, « aussi Français alors qu’il avait été Anglais quand ceux-ci étaient les plus forts[1] ; » il allégua qu’en raison de son

  1. O’Heilly, les Deux procès de condamnation, Plon, 1868, in-8 (I, p. 31).