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discours n’ont pas jeté des lumières bien vives sur des questions très anciennes ; mais leur manifestation n’en a pas moins été très digne de remarque, parce qu’elle signifiait : Nous sommes là, nous existons, nous sommes prêts à agir, — signification qui a été encore accentuée par la manière dont le parti tout entier a soutenu ses orateurs. Quel sera l’avenir parlementaire du parti collectiviste ? Il a montré, pendant les élections dernières une vraie souplesse à s’adapter aux circonstances. Dans un grand nombre de circonscriptions, ses candidats n’ont été élus qu’avec le concours des conservateurs, qui ont voulu, avant tout, se débarrasser de la tyrannie radicale : entre deux maux, ils ont choisi, non pas le moindre peut-être, mais celui qui leur a paru le plus éloigné. Cette tactique, que nous nous bornons à expliquer sans l’approuver, a eu une autre cause : beaucoup de collectivistes ont fait des promesses de tolérance religieuse, et ont pris à cet égard, dans leurs programmes, des engagemens formels. Cela a suffi pour leur assurer les voix conservatrices. L’ancien parti collectiviste, qui a été au pouvoir avec les radicaux, s’est associé à leur politique et reste marqué des mêmes tares ; mais le nouveau en est indemne et il dépend de lui de le demeurer. L’un de ses représentais, M. Brizon, le socialiste agraire dont nous avons parlé plus haut, a fait une déclaration très nette. — J’aime mieux, a-t-il dit, un laboureur religieux qu’un capitaliste libre penseur. — C’est une question de savoir si le parti collectiviste sera repris par l’ancien esprit anti-religieux, ou s’il saura s’en affranchir. Dans le premier cas, sa situation parlementaire ne sera pas aussi sensiblement modifiée que l’a été sa situation électorale ; dans le second, on verra peut-être se former à la Chambre des combinaisons nouvelles et imprévues.

Enfin M. Briand a pris la parole, et nous avons dit qu’elle avait été l’importance de son discours. On se demandait s’il retirerait ou atténuerait quelque chose de la déclaration ministérielle ; il n’en a rien retiré, ni atténué ; il l’a accentuée au contraire et s’est efforcé de la préciser. Peut-être n’y est-il pas également parvenu sur tous les points ; mais, comme il l’a fait remarquer avec justesse, la question, le dissentiment entre une partie de la majorité d’hier et lui, n’est pas dans son programme, il est dans sa méthode de gouvernement. Autant ce programme qu’un autre ; les radicaux socialistes et même les socialistes sans autre épithète l’accepteraient volontiers comme matière première, sauf à le corriger et à le transformer en cours de réalisation, — et c’est bien ainsi que nous l’acceptons nous-mêmes ;