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hélas ! neuf personnes. Toutefois, les pertes en argent n’ont pas dépassé 62 000 francs. Quant à la forêt brûlée par les habitans, elle n’a jamais existé.

On veut absolument assigner à ces catastrophes des causes provenant du fait de l’homme. Cependant, elles s’expliquent très naturellement et sans effort par la simple configuration des lieux. Voilà de gigantesques entonnoirs aux bords supérieurs formés de rochers verticaux ; sous ceux-ci des gazons, et plus bas des forêts, sillonnés par une foule de rigoles ou de petits ravins, convergeant vers un chenal unique creusé par les eaux ordinaires. Un nuage éclate accidentellement au sommet de l’entonnoir : est-il étonnant que le flot entraîne, en dévalant, quelques parties des saillies qu’il rencontre et les déverse sur les surfaces qui se déploient en éventail à la sortie de la gorge du torrent ? Aussi n’y a-t-il qu’un remède radical : ce serait le déplacement des habitations menacées, et il serait moins cher que n’importe quels travaux supposés préventifs.

Remarquons d’ailleurs que de tels désastres sont rares. Depuis cinquante ans il n’en est pas survenu plus de dix en pays de montagne, et ils n’ont été ni plus nombreux ni plus affreux que ceux qui, sous une forme météorique légèrement différente, ont éclaté en pays de plaines ou de coteaux.


IV

On affirme que nos montagnes sont livrées à une déforestation générale, commencée il y a un siècle ou deux, qui se ravive de toutes parts.

La forêt de Boscodon, près d’Embrun, qui existait encore en partie au milieu du siècle dernier, ai-je lu dans diverses publications de 1904, est maintenant presque détruite. Elle l’est si peu, qu’il n’est pas de touriste, traversant les Hautes-Alpes, qui ne tienne à la visiter. Elle est comprise dans un vaste massif boisé de 2 000 hectares environ, qui s’étend sur 15 kilomètres au Sud et à l’Est de Savines, sans coupures autres que celles qui sont produites par des rochers de 2 000 mètres et les torrens qui en descendent : il est donc évident qu’elle n’a jamais été plus étendue qu’aujourd’hui.

En 1905, parut un article qui fit sensation. La commune d’Héry-sur-Ugine en Savoie, disait-il, possédait au