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du Roi quitte Gien ; elle occupe Auxerre qui est du domaine de Bourgogne. A Auxerre, à Troyes, à Châlons-sur-Marne, les garnisons étaient mi-partie anglaises et bourguignonnes[1]. Ces places se rendent l’une après l’autre. Philippe le Bon rassemble des troupes entre Corbie et Amiens pour reprendre le contact avec les forces anglaises[2] ; il reçoit, en même temps, une ambassade du duc de Bedford qui le presse d’agir.

Suivant son double jeu, il stimule le zèle de ses amis de la Cour de France. Ne les a-t-il pas traînés, jusqu’ici, par l’espoir d’une paix prochaine ; il poursuit, selon cette méthode de promesses et de délais qui lui a été si utile. Le duc de Savoie réclame avec insistance l’ouverture de nouvelles négociations. La paix, la paix !

Nous avons trace de pourparlers extrêmement actifs, à cette date, entre le duc Philippe et les favoris du roi Charles. Après l’occupation d’Auxerre, un émissaire est envoyé en toute urgence, de Dijon, auprès du sire de La Trémoïlle, « pour audit sire de La Trémoïlle dire et exposer plusieurs choses et lui requérir l’accomplissement d’icelles au bien et honneur de mondit seigneur (le Duc de Bourgogne) et de ses pays et subjects. » En même temps, un seigneur bourguignon, Jean de Villeneuve, qui avait été à la Cour de France, où il avait reçu, de la bouche du Roi et de La Trémoïlle, d’importantes communications, revient à Dijon et, de là, repart en hâte près du duc « pour lui dire et exposer plusieurs choses que lesdits Dauphin et La Trémoïlle avaient dictées de bouche à icelluy Villeneuve[3]. »

Voilà donc le lien établi.

Le duc Philippe accourt à Paris, où il arrive le 10 juillet, au moment où Troyes ouvre ses portes. Tandis que l’armée royale continue sa marche sur Reims, il négocie avec ardeur des deux côtés à la fois.

Il manœuvre assez habilement pour que, à ce moment, la foi en une paix prochaine fût générale à la cour de Charles VII. On croit bon de mêler à ce qui se passe le nom de la Pucelle. Vers la fin du mois de juin, elle avait convoqué, par lettres, le duc à venir prendre son rang au sacre du Roi ; elle lui demande, de nouveau, solennellement, le 17 juillet, « que le roi de France

  1. Voyez Quicherat, Aperçus nouveaux (p. 34). — Chronique de la Pucelle (Procès, IV, 247-251).
  2. 8 juillet : Champion, Flavy (p. 137).
  3. Les voyages sont de fin juin, début juillet. — Voyez Beaucourt (II, p. 402).