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les noms des auteurs. Il y a 60 œuvres diverses attribuées à 41 auteurs différens. Parmi ces derniers, 14 se disent médecins, deux professeurs. Est-ce seulement de la grivoiserie ? Je ne puis donner aucun titre. Ce serait outrager mes lecteurs. Mais voici quelques-unes des mentions dont le catalogue accompagne les litres : « Livres d’amour et de volupté, » dit Tune. « La passion la plus folle et la plus intense, dit une autre, jette dans cette œuvre ultra-naturaliste son souffle brûlant. Jamais encore la littérature voluptueuse n’a atteint un tel degré d’intensité. » Un autre encore : « Véritable bréviaire de l’amour charnel, est un des volumes les plus osés de notre bibliothèque et nous le recommandons tout spécialement à notre clientèle. »

Est-ce là simple gauloiserie ?

On croit que ces envois se font aux seuls libertins. Qu’on en juge ! Une descente faite, il y a peu de jours, chez un sieur L… le trouvait en train d’expédier 40 000 prospectus. Chez un autre, une femme, une machine à écrire fonctionnait pour de pareils envois.

Et c’est principalement la jeunesse que visent ces excita-lions. On a raconté ce fait lamentable de bandes d’envoi imprimées avec ces mentions : Monsieur… commis chez M… avoué, huissier, épicier, pharmacien…, envoyées en province et complétées à la main par un compère. Le fait est exact. On en trouverait la preuve dans un dossier de la neuvième Chambre. Une expédition faite aux élèves d’un lycée a donné lieu de penser que, leurs noms avaient été relevés dans un livre de distribution des prix. Deux fois le directeur d’une maison d’éducation célèbre envoyait à la Société contre la licence des rues d’ignobles prospectus adressés à de jeunes élèves. Hier encore, la même Société recevait deux plaintes analogues de deux pères de famille. L’école primaire n’est pas même respectée. Un ouvrier se présentait au président de la même Société. « Je suis anarchiste, disait-il, vous êtes bourgeois. Je suis l’ennemi de toutes vos idées. Mais on doit s’entendre pour défendre les enfans. Voilà un livre trouvé entre les mains de ma fille. » C’était une des œuvres les plus lubriques de la collection pornographique. Elle lui avait été remise par une camarade, à l’école. Et combien de faits n’échappent-ils pas aux recherches, dissimulés par la crainte d’avoir à en témoigner en justice, plus souvent encore par un sentiment d’inquiète sollicitude pour l’enfant.