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vraiment comme une nécessité ; mais elle ne le fera pas sans peine, quelle que soit la bonne volonté qu’on y mettra de part et d’autre. Nous supposons cette bonne volonté : est-elle bien certaine, est-elle bien la même chez tous ? Qui sait si les deux partis ne l’ont pas des gestes de conciliation parce que l’état de l’opinion l’exige, avec l’arrière-pensée de montrer que leur bonne volonté a été impuissante ? Le gouvernement a des alliés dont on connaît l’humeur difficile : les Irlandais, les radicaux et les socialistes du parti ouvrier. On assure que, dans les circonstances actuelles, ces derniers sont les moins enclins à la conciliation au moyen d’une conférence : les Irlandais y feraient moins d’objections. Ceux-ci pourtant n’ont voté un budget contraire à leurs intérêts qu’à la condition expresse d’obtenir le home rule et, pour être sûrs de l’avoir, ils ont exigé qu’on leur sacrifiât la Chambre des Lords. La suppression morale de cette Chambre était pour eux la condition d’un succès auquel ils ne renonceront certainement pas. Ils consentiraient sans doute à l’atteindre par des voies nouvelles ; mais lesquelles ? Le gouvernement proposera-t-il à la Chambre des Lords, pour se sauver du danger qui la menace, de ratifier les concessions et les promesses qu’il a faites à ses alliés ? Lui demandera-t-il de renoncer à son veto ? La traitera-t-il en vaincue et consentira-t-elle à être traitée ainsi ? Nous n’en savons rien, et le mieux est de nous abstenir d’hypothèses peut-être trop pessimistes. Mieux vaut s’abandonner à une espérance.

Après avoir dit que les difficultés sont grandes, nous conclurons volontiers que la volonté du pays, si elle se maintient et s’accentue, imposera la conciliation vers laquelle on tend. C’est déjà quelque chose qu’on se soit engagé dans ce sens. Il y a quelques mois, on était à la guerre ; il serait excessif et, en tout cas, prématuré de dire qu’on est à la paix ; mais, si on en cherche loyalement les moyens, les difficultés succéderont aux dangers, et ce sera pour tous un grand soulagement.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.