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explications avaient été demandées à Rome. Cependant, que peut-on reprocher au Pape ? D’avoir fait ce que le roi d’Angleterre fera peut-être demain, c’est-à-dire d’avoir parlé le langage d’un autre temps. À propos de saint Charles Borromée, auquel l’Encyclique est consacrée, Pie X a traité sévèrement la Réforme protestante du XVIe siècle. Personne ne saurait s’en étonner et encore moins s’en indigner, car si quelqu’un a le droit et même le devoir de condamner le protestantisme, assurément c’est le Pape. Il a ce droit, au moins autant que le roi d’Angleterre a celui de condamner le catholicisme : aussi rendons-nous justice aux Anglais, l’Encyclique ne leur a causé aucune émotion ; ils ne s’en sont pas plaints, ils n’ont proféré à l’encontre aucune menace ; et il y a quelque chose de curieux, nous allions dire de piquant, dans le contraste entre l’effervescence allemande et la calme impassibilité britannique. Est-ce à dire que les Anglais aient été plus épargnés que les Allemands par le document pontifical ? Non, certes. Le Saint-Père se faisant historien, en quoi il n’était peut-être plus tout à fait dans son rôle, a affirmé que le protestantisme, autrefois, s’était surtout développé dans des pays sous l’influence de princes corrompus. Aussitôt l’Allemagne a éprouvé le besoin de venger ses princes, besoin que l’Angleterre n’a nullement ressenti, bien qu’elle ait eu un roi, nommé Henri VIII, qui a pu être aussi sûrement atteint par l’Encyclique que tous les princes allemands. Il faut laisser les représentans d’anciennes traditions parler leur langage propre, et ne pas s’en affecter outre mesure lorsque ce langage sort des habitudes actuelles. Mieux vaudrait, sans nul doute, renoncer à des formes vieillies et en adopter de nouvelles. Nous parlons des formes et non pas du fond : quand le Pape défend la pureté du dogme contre les modernistes, nous n’avons rien à dire, et, en somme, sa dernière Encyclique s’applique beaucoup plus aux modernistes qu’aux protestans. Mais, lorsqu’il vise ces derniers, peut-être n’est-il pas indispensable d’affirmer qu’ils « font leur dieu de leur ventre, » et il semble bien qu’aujourd’hui ces expressions ne sont pas celles qui donnent plus de vigueur, ni surtout plus de précision à la pensée. Mais revenons à l’Angleterre ; c’est elle qui nous occupe ; l’allusion que nous avons faite à l’Encyclique a pour but de montrer qu’il ne faut pas prendre toujours les mots au pied de la lettre et que, si les Allemands le font, les Anglais s’en abstiennent. Si le texte du serment royal est maintenu, les catholiques anglais en seront contristés, mais ils n’en seront pas autrement émus, et leur liberté restera entière de célébrer la Sainte Vierge et les saints et d’aller à la messe. Le temps