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Les Anglais sont très accessibles à un sentiment de ce genre, et beaucoup d’entre eux l’ont certainement éprouvé. Les conservateurs ont dit que les préoccupations et les tourmens causés au roi Edouard par la crise constitutionnelle avaient été une des causes de sa mort foudroyante. L’allégation, vraie ou non, a produit une impression assez vive pour que les libéraux s’en soient très soigneusement défendus, et on comprend qu’ils ne veuillent pas s’exposer à une nouvelle accusation de ce genre. Mais il y a des obligations politiques qui s’imposent à eux avec une grande force ; leurs alliés irlandais et socialistes restent très impérieux dans leurs exigences ; les raisons pour et contre la trêve se sont présentées avec une force presque égale ; les esprits sont restés incertains. Il semblait d’ailleurs qu’on avait quelque temps devant soi avant de s’arrêter à une résolution décisive. Le Parlement, en rentrant en session, devait tout d’abord discuter et voter un certain nombre de lois en dehors de la crise constitutionnelle. Le danger d’un choc immédiat était donc conjuré. Les lois dont le Parlement doit s’occuper tout de suite se rapportent à la liste civile, à la régence, à la modification du serment royal, enfin au budget qui est à la fois en retard et en déficit. Nous avons peu de chose à en dire. A l’origine d’un nouveau règne, la liste civile est remise en cause, et le Parlement doit fixer les conditions dans lesquelles elle est renouvelée. Lorsque l’héritier du trône est mineur, l’obligation s’impose de pourvoir par une loi de régence à la vacance du trône toujours possible, quelque invraisemblable qu’elle soit d’ailleurs actuellement : on dit que le projet de loi dont le parlement va être saisi attribuerait éventuellement la régence à la Reine. Quant au budget, il est en déficit de 100 millions, et l’année financière est ouverte depuis plus de deux mois. Toutes ces lois ont un caractère obligatoire et ne présentent d’ailleurs qu’un intérêt d’ordre technique. Il n’en est pas de même de celle qui touche au serment du Roi.

Si ce serment n’existait pas, on ne l’inventerait pas aujourd’hui, ou du moins on le rédigerait autrement. C’est un témoin d’un passé lointain et aboli ; il porte la marque des passions religieuses d’un autre temps, de préoccupations et de colères qui n’existent plus aujourd’hui ; les croyances seules ont subsisté et elles n’ont rien perdu de leur force, bien qu’on ne les défende plus de la même manière. Nous sommes heureusement à une époque de tolérance, et si ce sentiment s’est acclimaté quelque part dans le monde, c’est surtout en Angleterre qu’il l’a fait. Les catholiques y pratiquent leur religion en toute liberté ; les persécutions d’autrefois ont leur place dans