Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/928

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

établissemens de bienfaisance et d’instruction ayant un intérêt général. L’article 957 du même code déclare que les droits et obligations de ces établissemens seront ceux des autres héritiers. Dans quelques cantons suisses, c’est la commune qui hérite. D’autres cantons partagent la succession, les uns comme Saint-Gall, entre l’Etat et la commune, d’autres, comme Thurgovie, entre la commune et la caisse des pauvres ; d’autres encore, comme les Grisons, l’attribuent aux fondations de la commune d’origine. Les codes allemand, français, belge, hollandais, italien, suédois, accordent la succession en déshérence purement et simplement à l’Etat.

Par un argument a contrario dont la force paraît inattaquable, il est évident que, si l’Etat recueille ces biens sans maître, il a pour devoir d’assurer la transmission des autres à ceux qui en sont, par le fait même du décès de leur auteur, les légitimés propriétaires. Et s’ils en sont les légitimes propriétaires, ce n’est pas seulement parce que leur droit est inscrit dans le code, mais parce que l’héritage est un de ces grands faits instinctifs qui tiennent à la nature même de l’homme et que l’on retrouve, avec des différences secondaires, chez les nations les plus séparées les unes des autres par le développement historique, par la langue et par les institutions. La notion de l’héritage est étroitement liée à celle de la propriété : celle-ci consiste en objets que l’homme a transformés par son travail, édifices qu’il a construits, mobilier qu’il y a apporté, plantations qu’il a faites ; déploierait-il la même ardeur à l’exécution de ces œuvres, s’il n’était certain de pouvoir en transmettre le fruit à ceux qu’il aime ? Où a-t-on vu la nation recueillir ce que laisse un particulier ? D’ailleurs, la nation, avec l’énorme développement de ce concept, est d’origine moderne. Autrefois il n’existait que des groupes plus ou moins restreints, chez lesquels l’héritage s’est développé, précisé, jusqu’à ce qu’il fût réglementé comme il l’est aujourd’hui.

L’héritage est la condition des familles stables, qui ne pourraient se fonder, si la propriété cessait avec la vie du chef, réduit au rôle d’usufruitier. Sa suppression entraînerait l’arrêt des améliorations durables, qui ne donnent de résultats qu’au bout d’un très grand nombre d’années. M. Paul Leroy-Beaulieu a énuméré quelques-unes des conséquences qu’amènerait cette suppression : cinq ou six ans avant l’expiration d’une possession