Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/915

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nature en effet n’a donné à l’homme aucun pouvoir sur ses biens terrestres au-delà du terme de la vie. Le droit d’un mort à disposer de ses biens ne dérive que de la loi, et l’Etat a la faculté de stipuler les conditions et les réserves sous lesquelles ce droit peut être exercé. »

Cette affirmation nous paraît une des plus dangereuses qui se puissent énoncer : elle est à la fois contraire à la vérité philosophique, puisque c’est le travail de l’individu qui crée la valeur, dont par conséquent les fruits doivent lui appartenir, et destructive de l’ordre social : retirer à l’homme le droit de disposer de ce qu’il a acquis, c’est enlever à son énergie un de ses mobiles les plus puissans. Que l’État, en échange de la protection qu’il donne à chacun, dans sa personne et dans ses biens, réclame des contributions, rien de plus juste ; mais ce droit de percevoir l’impôt est à mille lieues du droit de propriété : est-ce l’Etat ou l’individu qui cultive les champs, construit et exploite les manufactures, s’impose des privations pour économiser une partie de son salaire ou de son gain et arrive à reconstituer un capital ? L’Etat est un mauvais administrateur, un prodigue, précisément parce qu’il n’est pas stimulé, comme le sont les hommes, par le désir de gagner son pain et celui des siens et d’accumuler des réserves pour son propre avenir et celui d’une famille.

Quelque erronés que fussent les principes sur lesquels il prétendait s’appuyer, sir William Harcourt fit voter un droit général, dit estate duty, qui frappe la valeur en capital de toute propriété réelle ou personnelle, immobilière ou mobilière, substituée ou non substituée, transmise à titre de mutation par décès, les successions inférieures à 100 livres (2 500 francs) étant exemptes. Le tarif était entre 100 à 500 livres sterling, de I pour 100, entre 500 à 1 000, de 2 pour 100, entre 1 000 à 10 000, de 3 pour 100 ; entre 10 000 à 25 000, de 4 pour 100 ; entre 25 000 à 50 000, de 4 1/2 pour 100 ; puis par échelons jusqu’à 1 million, 7 1/2 pour 100 ; au-delà de 1 million, 8 pour 100. Le second groupe de droits, legacy and succession duties, frappe la part de biens transmise à chaque héritier et varie suivant le degré de parenté. Les taux de 1894 ont déjà été augmentés à deux reprises, une première fois par le chef du Cabinet actuel M. Asquith, lorsqu’il était chancelier de l’Échiquier. La loi de finances de 1907 votée le 22 juin modifia l’estate duty pour les