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grave : « Cet impôt est tolérable pour les héritiers étrangers, mais lourd pour ceux qui sont de la famille, » et il ajoutait : Manifestum erat quanto cum dolore laturi, seu potius non laturi homines essent distringi aliquid et abradi bonis quæ sanguine, gentilitate, sacrorum denique societate meruissent : quæque nunquam ut aliena et speranda, sed ut sua semperque possessa, ac deinceps proximo cuique transmittenda cepissent. « Il était clair que c’est avec douleur que des hommes supporteraient ou plutôt ne supporteraient pas qu’on leur enlevât et arrachât quelque chose des biens qui leur revenaient en vertu de parentés, d’alliances, du culte auquel ils étaient associés : ils ne les ont jamais considérés comme une chose étrangère, objet de leur espérance, mais comme une propriété leur ayant toujours appartenu et destinée à être ensuite transmise par eux au plus proche parent. » C’était là, comme l’observe très justement M. Paul Leroy-Beaulieu[1] qui rappelle cet éloquent passage, la doctrine de la « saisine, » c’est-à-dire de la possession immédiate et directe par l’héritier, sans intervention de la loi, ou plutôt en vertu même de cette loi qui reconnaît aux membres de la famille une sorte de co-propriété antérieure à la mort du de cujus.

La Rome impériale vit se modifier l’ancien esprit de famille républicain : les fortunes de quelque importance y devinrent peu à peu un objet de convoitise de la part de l’Etat. Lorsque celui-ci se personnifiait dans un Empereur, certains particuliers croyaient s’assurer durant leur vie la paisible jouissance de leur richesse en luisant de César leur héritier.

En France, pendant tout le cours du XIXe siècle, les droits de succession sont restés à des taux modérés. Même en 1815, en 1871, après nos revers, le législateur n’a pas considéré qu’il pût s’écarter sensiblement, au moins en ligne directe, du taux de 1 pour 100, de ce qu’on appelait sous l’ancienne monarchie le centième denier. La loi du 22 frimaire an VII, fondamentale en la matière, établissait les droits suivans : en ligne directe, pour les biens meubles 0, 25 pour 100, pour les immeubles 1 pour 100 ; entre époux, pour les meubles 0, 62 1/2 pour 100, pour les immeubles 2 1/2 pour 100 ; entre collatéraux, pour les meubles 1, 25 pour 100, pour les immeubles 5 pour 100. La loi du 28 avril 1816 éleva quelque peu le tarif, sans toutefois le

  1. Économiste français, du 3 juillet 1909.