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petits-fils. » Les dieux intervinrent pour conserver à leurs serviteurs le patrimoine sacré. Rana Bahadour périt dans une querelle, tué par son frère illégitime. Avec lui moururent tous ceux qui pouvaient gêner Bhim Sen Thapa. Il s’assura de la soumission de la jeune reine en l’obligeant à monter sur le bûcher de son mari, selon la coutume de la sati. Les chefs redoutés furent exécutés comme complices du régicide.

Désormais, sous la domination de ministres puissans, des rois obscurs se succéderont dans l’ombre du palais, et ce n’est plus leur nom que les événemens imposeront à l’attention de l’histoire. Deux hommes l’occuperont pendant presque tout le cours du XIXe siècle, Bhim Sen et Jang Bahadour, appartenant l’un et l’autre au clan des Thapa. Ce sont eux qui mettront le Népal en contact avec les maîtres de l’Inde, le premier en ennemi, le second en allié.

Prithi Narayan, en mourant, avait recommandé à ses successeurs de se tenir en défiance des étrangers, d’éviter les relations avec les Fringhis[1]. La guerre malheureuse de 1788 fit oublier au Durbar atterré les conseils du conquérant. Contre la Chine qui intervenait en faveur du Grand Lama, le Népal fit, nous l’avons vu, appel à la Grande Compagnie des Indes. Quand il s’avisa qu’un protecteur tout proche était plus dangereux qu’un suzerain éloigné, il était trop tard. Une mission anglaise s’était mise en route pour Katmandou, afin d’assurer la teneur d’un traité de commerce déjà signé à Bénarès.

Le colonel Kirkpatrick, premier envoyé britannique, résida deux mois au Népal, en 1793, et redescendit sans avoir rien obtenu. Un second fonctionnaire anglais revint en 1802, sans plus de succès. Il faudra une expédition victorieuse pour ramener les Anglais au Népal. Lassés des empiétemens gourkhas dans le Téraï, ils résolurent d’y mettre fin. Bhim Sen Thapa répondit à leurs remontrances par une déclaration de guerre, en 1814. Douze mille Népalais tinrent en échec pendant quinze mois trente mille soldats anglais disposant de soixante canons et leur infligèrent maints désastres. Le traité de Segowlie fit cesser les hostilités en 1816. Le Népal cédait à l’Angleterre le Sikkim, le

  1. Nom générique donné aux Européens.