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n’a avec lui, à l’heure actuelle, d’autres nationaux que deux « assistans, » plus ou moins half-castes et un docteur anglais. Il doit rester confiné dans la vallée qui a donné son nom à l’État et dont les trois vieilles capitales ont vu se dérouler toute l’histoire du pays. S’il veut sortir, il doit en informer le capitaine népalais attaché au service de la Résidence, pour qu’une escorte, ou tout au moins un cavalier d’honneur, l’accompagne. Honneur et surveillance tout à la fois.

L’autorisation de monter à Katmandou n’est accordée qu’à deux ou trois personnes chaque année, parfois quatre. Elle ne peut s’obtenir que par l’intermédiaire du Résident et est réservée, le plus souvent, à de grands personnages anglais du monde politique ou de la haute aristocratie. Le gouvernement met d’autant plus de prudence dans ses demandes qu’il ne peut, ni ne veut, s’exposer à un refus. C’est pour cette raison que, quelques mois après mon voyage, un prince de sang royal, venu d’Europe aux Indes, sollicita en vain la permission de visiter le Népal. Dans toutes les Indes et dans l’entourage du vice-roi, je n’ai rencontré qu’une seule personne, ayant été à Katmandou : le général commandant en chef, lord Kitchener, qui me déclarait d’ailleurs, en me vantant la remarquable intelligence des Népalais, que le Népal était la province la plus intéressante. C’est parce que je savais toutes ces choses et prévoyais les difficultés, qu’aussitôt le projet résolu dans mon esprit, je partis pour Londres, munie de chaleureuses recommandations près de l’India-Office, où je possédais d’ailleurs plus d’amis que je ne supposais, mes hôtes très aimables de jadis, dont j’ignorais le retour en Angleterre. L’accueil charmant du secrétaire d’Etat à la direction des Affaires des Indes, sir Richmond Ritchee, et ses bienveillantes lettres d’introduction me firent tout de suite augurer favorablement de la réponse officielle que je devais obtenir du vice-roi.

A la fin de juillet 1907, je quittais donc Paris avec cette espérance et débarquais à Bombay en pleine « mousson. » Après un court séjour à Kirkee[1], chez le gouverneur de Bombay, en quarante-huit heures de chemin de fer, dans une buée chaude, sous la pluie fréquente qui, depuis trois mois, s’épandait sur la péninsule, j’arrivai à Simla, résidence d’été du gouvernement

  1. A 200 kilomètres environ au sud de Bombay.