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formidables s’ouvrent des vallées fraîches, se cachent des sanctuaires vénérés et de petits royaumes peu connus.

Le plus inaccessible est, de par la volonté de ses habitans, le Népal. Nos yeux d’enfans l’ont vu sur les vieilles cartes rudimentaires de jadis, allongé comme une étroite bande à la frontière nord des Indes : il nous paraissait juché tout au sommet de l’Himalaya, et, au-dessus du mot « Népal » ou « Népaul, » nos regards épelaient le nom prestigieux de la reine des montagnes, le Gaurisankar-Everest ! Plus tard, lorsque nous avons rêvé de l’Orient lumineux, lorsque nos esprits se sont tournés vers les civilisations asiatiques, vers le grand monde bouddhiste, vers les Indes, ses légendes, ses religions, le Népal nous est apparu comme le pays du mystère auquel les savans demandent ses secrets.

Lors de mon premier voyage aux Indes, tandis que je redescendais du Ladak et du lac Pangong, je songeais déjà au jour où je remonterais à Katmandou. Le petit Népal a su demeurer, au milieu de la poussée conquérante des nations, un des rares peuples qui aient gardé auprès des grands Empires voisins une indépendance assez réelle et qu’il défend encore jalousement. Un climat différent, une enceinte de montagnes réputées inaccessibles en ont fait un pays à part et lui ont maintenu une existence isolée, séparée de l’Inde.

C’est ainsi qu’il est resté le conservatoire du bouddhisme dans la péninsule hindoue, et bien qu’il ait été envahi par les sectes brahmanistes, c’est à lui que la science est redevable d’une grande partie de la littérature bouddhique rédigée en sanscrit. L’art lui est venu de l’Inde ; il l’a développé avec un grand sens de l’harmonie, des dons minutieux et particuliers.

Ce pays, vers lequel tant de regards se sont portés, devait particulièrement m’attirer, après deux voyages dans le grand Empire des Indes. Je le savais fermé à la curiosité des étrangers, surtout aux Anglais, quoique, seule pourtant, l’Inde Britannique ait le droit d’obtenir du Maharaja népalais, pour elle ou pour ses élus, la permission de visiter la mystérieuse vallée. Depuis un siècle, en effet, à quelques intermittences près, le gouvernement des Indes entretient à Katmandou, capitale du Népal, un fonctionnaire anglais qui porte le titre de Résident et dont les fonctions sont plutôt analogues à celles d’un ambassadeur ou d’un Consul. Ce Résident, sous la garde d’une soixantaine de cipayes,