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deux armées sous un seul chef. De l’union de la Serbie et de la Bulgarie, sous quelque forme qu’elle se produise, serait formé un premier noyau de confédération auquel s’adjoindrait le Monténégro ; l’alliance ne serait dirigée spécialement contre personne, mais elle pourrait faire front soit contre la Turquie, soit contre l’Autriche : ce serait une confédération danubienne ; elle aurait l’appui de la Russie. La Bulgarie accepterait-elle ce rôle ? Ou bien la verra-t-on, sacrifiant la Serbie, lier partie avec l’Autriche ; on a parfois supposé qu’entre Vienne et Sofia, comme autrefois entre Vienne et Pétersbourg, un partage des Balkans aurait été prévu ; la Bulgarie irait jusqu’à la mer et envelopperait Constantinople ; l’Autriche descendrait sur Salonique portée par les Slaves du Sud réunis sous le sceptre des Habsbourg… Où s’arrêterait-on dans ce jeu des hypothèses ? Le fait, cependant, qu’on les discute, montre que, de tous côtés, on a conscience que l’Orient n’a pas encore trouvé son assiette définitive et que de grands changemens s’y préparent.

Entre la Roumanie et ses voisins slaves de la rive droite du Danube, les relations sont actuellement bonnes. A Bucarest aussi, la perspective d’événemens considérables en Orient fait sentir les dangers de l’isolement. La Roumanie a cherché jusqu’ici son point d’appui du côté de la Triple-Alliance, mais le sort des Roumains de Hongrie la préoccupe. Si une confédération danubienne venait à se former, la Roumanie ne refuserait sans doute pas d’y entrer : si elle était obligée de faire face au Nord, du côté de la Hongrie ou de la Russie, elle pourrait s’adosser au Danube et chercher des sympathies dans la péninsule. Dans la formation d’une alliance danubienne, l’initiative ne viendra pas de la Roumanie ; mais, dans bien des cas, son intervention pourrait être prépondérante. Un système d’alliances dirigé contre la Turquie ne pourrait agir militairement qu’avec l’agrément des Roumains qu’ils ne négligeraient sans doute pas de se faire payer. Le roi Ferdinand ne pourrait en aucun cas marcher contre les Turcs s’il n’obtenait d’abord l’assurance de n’être pas menacé, sur le Danube, par l’armée du roi Carol. S’il s’agissait d’une confédération générale, dans laquelle entrerait la Turquie, la Roumanie s’y agrégerait plus volontiers encore, car elle n’a avec la Turquie aucun motif de mésintelligence.

La réorganisation de l’Empire austro-hongrois que prépare le parti chrétien-social, — sur laquelle nous aurons ici