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Le duc de Richemont mord à l’appât ; en prenant le pouvoir, il a fait savoir au Duc de Bourgogne que, tant qu’il posséderait l’autorité à la cour du Dauphin, « tout ce qui est arrêté entre eux (c’est-à-dire le pacte d’Amiens) devait être considéré comme conclu. » Il répète au même duc que « rien ne doit les empêcher de travailler tous deux, de concert, au bien du royaume et au relèvement de la maison dont ils sont issus[1]. »

Dans les derniers mois de 1425, au début de 1426, la politique des négociations et des trêves illusoires se poursuit. Mais Philippe, accentuant le double jeu, se rapproche du duc de Bedford. Bientôt, il est vainqueur en Hollande, à Brouwershawen, contre les partisans de Jacqueline de Bavière, et ce succès n’ajoute pas peu à son arrogance.

Richemont se désespère. En mai 1427, il fait un effort suprême : le pays implore la paix et tout dépend de Philippe le Bon ! On va jusqu’à lui offrir le gouvernement du royaume. C’est ce qu’il désire, au fond : mais l’acceptera-t-il de Charles ou de Henri, de la France ou de l’Angleterre ? Il se réserve et fait un brusque crochet vers Bedford. Richemont succombe (fin 1427), ne laissant, comme héritage diplomatique à ses successeurs, que ce système des trêves, continuellement reportées, toujours jurées et si mal observées.

Dans le désordre général, les seigneurs des deux partis traitent pour leur compte : en juillet 1427, le bâtard d’Orléans (Dunois), au nom de son frère prisonnier, conclut avec les Anglais, représentés par Suffolk et Bedford, une trêve mettant à l’abri des hostilités les domaines du duc et notamment la ville d’Orléans : c’est au mépris de cette trêve que le siège sera mis, quelques mois après, devant la place.

Tout était leurre, fourberie, mensonge. Guerre d’embuscades et politique d’embûches. On est, des deux côtés, à bout d’argent, d’hommes et de convictions ; mais c’est le parti français qui est au plus bas. Après s’être jeté aux pieds de ses adversaires, l’héritier de la couronne n’a rien obtenu. Orléans assiégé va décider du sort des provinces d’outre-Loire. Si, seulement, une négociation suprême aboutissait !

Le duc Philippe n’avait pas un si grand intérêt à laisser la

  1. Voyez le document publié dans l’Histoire de Bourgogne de dom Planchet (t. IV, p. LVI). Toute l’intrigue, et toute l’explication des dessous de cette politique de « la paix de Bourgogne » sont là.