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et cela explique que le pays se soit fortement prononcé pour la liberté. La liberté n’est pas une panacée sans doute, mais elle atténue le mal qu’elle ne guérit pas. Enfin, aux yeux des esprits généreux, elle est un principe, et ce principe est particulièrement sacré lorsqu’il touche à la conscience. Le pays l’a compris ; le pays l’a dit ; que fera le gouvernement ? Les radicaux-socialistes continueront, malgré tout, de le pousser dans le sens du monopole, sinon, au moins du premier coup, jusqu’au monopole lui-même. Mais il trouvera, dans la statistique qu’il a publiée, des moyens de résistance et de défense. S’il n’en use pas, on ne s’abstiendra pas de lui demander pourquoi il a publié cette statistique. On peut affecter d’ignorer la volonté du pays ; mais, quand on l’affiche, il ne reste plus qu’à s’y conformer.

Nous pourrions tirer des élections dernières d’autres enseignemens encore qu’elles comportent : mais il est facile de les résumer en disant que le parti radical a fatigué le pays. On a tout dit, et nous l’avons fait nous-même bien des fois, sur l’âpreté, la rapacité, l’insolence avec lesquelles ce parti tard venu au pouvoir l’a exploité à son seul avantage, domestiquant l’administration et le gouvernement dans les conditions les plus humiliantes pour eux, puisqu’ils étaient réduits au rôle de pourvoyeurs électoraux. Le gouvernement et l’administration acceptaient d’ailleurs fort bien cette condition subalterne, contens de vivre et ne demandant rien de plus, dans la confiance que les choses continueraient d’aller ainsi longtemps encore. Le pays a montré le premier quelque impatience, et, bien que la manifestation de ce sentiment ait été de sa part encore un peu faible, il a bien fallu y voir un avertissement. La question est de savoir si on le comprendra et dans quelle mesure on s’en inspirera : voilà pourquoi on se tourne du côté du gouvernement, dans l’attente de ce qu’il va faire. On le croit fort, et il le sera s’il croit l’être lui-même. Mais, pour exercer sa force, il fera bien de s’appuyer sur le pays plus encore que sur la Chambre. Il y a dans celle-ci près de trois cents députés qui n’ont été élus qu’avec l’appui de l’administration : si les choses continuent de marcher comme elles le font depuis quelque temps, cet appui qui, hier encore, a pu être efficace, ne le sera probablement plus dans quatre ans. Le gouvernement fera donc bien de mettre un peu d’avenir dans ses calculs. Les classifications de partis sur lesquelles nous vivons depuis quelque temps sont devenues de plus en plus artificielles. Elles avaient été faites sur des questions qui sont aujourd’hui résolues, ou qui ont évolué, ou qui ont fait place à d’autres. Les radicaux se sont montrés scandalisés de certaines coalitions formées