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Veut-on l’exemple d’une réforme mal faite, parce qu’on a prétendit la faire porter sur un trop grand nombre de points en même temps ? On le trouvera dans le projet d’impôt sur le revenu de M. Caillaux. Un projet a pour nous plusieurs vices rédhibitoires, qui peuvent se résumer dans le mot d’inquisition ; mais il a aussi un défaut d’un autre ordre, qui est d’avoir voulu supprimer d’un seul coup nos quatre contributions directes, c’est-à-dire de jeter à bas tout notre édifice fiscal pour le remplacer par un autre. Cette fois encore nous demanderons ce qui arriverait si nous tombions dans le chaos ? Le pays se l’est demandé, lui aussi, avec inquiétude ; il a écouté la longue discussion dont le projet de M. Caillaux a été l’objet et ce qu’il en a compris ne lui a inspiré aucune confiance. Ce projet si prôné, si vanté, n’a rencontré sur le terrain électoral que 152 partisans décidés à le voter. A la vérité, 228 autres l’ont admis à correction ; mais c’est une manière de parler que nous pouvons adopter nous-même et qui signifie simplement qu’on ne veut pas du projet tel qu’il est. Qu’il puisse d’ailleurs être utile d’apporter des réformes à un système fiscal vieux de plus d’un siècle, personne ne le conteste, et tout le monde se serait rallié à des réformes successives qui auraient mis l’instrument fiscal mieux en rapport avec la matière à laquelle il s’applique. Mais M. Caillaux a voulu opérer en grand, et il s’est fait obstruction à lui-même. Son projet ne passera certainement pas tel qu’il a été voté par la dernière Chambre. Reste à savoir ce que fera le gouvernement relativement à ce projet ? Quelle attitude prendra-t-il à son égard ? Quel conseil donnera-t-il au Sénat, appelé maintenant à l’examiner ? Nous n’en savons rien, et peut-être le gouvernement ne le sait-il pas encore lui-même. Évidemment, il s’attachera à une réforme fiscale ; mais, si cette réforme devait être celle de M. Caillaux, on se demanderait pourquoi le gouvernement a publié une statistique d’où il résulte avec une clarté parfaite que le pays n’en veut pas. Il en veut une autre, soit : au gouvernement de rechercher et de dire laquelle. S’il se contentait de demander au Sénat de voter le projet Caillaux, il n’y aurait qu’un mot à répondre, c’est que le pays n’a donné à ce projet que 152 voix à la Chambre.

Nous énumérons rapidement les questions principales qui ont été posées aux élections dernières. Il y en a eu un assez grand nombre sur lesquelles nous aurons à revenir plus tard, lorsque la Chambre devra les traiter à son tour : par exemple, la question des monopoles d’État, et nous ne manquerons pas de rappeler alors que le monopole de l’alcool n’a réuni que 75 partisans, et celui des assurances, 101.