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tique, on aurait pu en contester l’exactitude ; mais le gouvernement a des moyens d’information supérieurs à tous les autres, et c’est pour cela sans doute que, à tort ou à raison, une confiance plus grande s’attache à ce qui vient de lui. Toutefois, si le caractère officiel d’une publication est une recommandation puissante auprès des simples citoyens, elle doit l’être encore davantage pour le gouvernement lui-même. Comprendrait-on qu’après avoir constaté la volonté du pays, il y substituât la sienne propre, ou celle de tel parti ou de tel autre ? Il aurait pu ne rien dire ; il n’était pas obligé de livrer à l’opinion la statistique qu’il lui a livrée ; il l’était d’autant moins qu’aucun de ses devanciers n’avait rien fait de pareil : aussi son initiative constitue-t-elle un engagement. Le moment des tergiversations est passé ; il faut se prononcer et on ne peut le faire que dans le sens de la proportionnelle. Il est bien vrai qu’en le faisant, M. Briand se mettra un peu, rien qu’un peu, en contradiction avec lui-même, mais cela vaut mieux que de se mettre en contradiction avec le pays. Lorsque celui-ci a prononcé, il ne reste plus qu’à s’incliner. Quelle ne serait pas la force de M. Charles Benoist et des partisans de la réforme contre une résistance gouvernementale ou parlementaire ? Ils parleraient au nom de plus de 5 millions d’électeurs, c’est-à-dire d’une force supérieure à toute éloquence, et, au surplus, ils sont éloquens eux-mêmes. M. Briand est trop habile pour se mettre en travers d’un pareil courant ; mais on lui conseillera de louvoyer, et là est le péril. Le succès de la proportionnelle est, en effet, un échec pour les radicaux-socialistes, et cet échec doit leur être d’autant plus pénible qu’il retombe de tout son poids sur la tête de quelques-uns de leurs principaux coryphées. On n’a pas oublié le banquet où M. Combes, qui le présidait, s’est prononcé contre la réforme. Il l’a fait très brutalement, sans ménagemens, sans nuances, suivant l’habituel procédé de son esprit simpliste. Dans une lettre-manifeste, M. Léon Bourgeois y a mis plus de formes, mais a conclu de même. Qui pourrait en être surpris ? Le parti radical tel qu’il est constitué, tel qu’il s’est comporté depuis une douzaine d’années qu’il est au pouvoir, est le produit légitime du scrutin d’arrondissement ; il en a tous les défauts, toutes les infirmités, tous les vices, et, naturellement, il s’y complaît ; mais c’est précisément pour ce motif que le pays n’en veut plus : il a jugé l’arbre par ses fruits qui lui ont paru amers.

Le scrutin de liste avec représentation proportionnelle devra donc être admis en principe et, en quelque sorte, comme entrée de jeu ; mais il y a plusieurs manières de l’appliquer et, là-dessus, sans doute,