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dément, comme la voix publique l’en accuse ! Il n’a pour cela qu’un moyen, c’est de décrire lui-même sa propre tulipe. Le besoin se faisait sentir d’une dernière tirade.

Ne soyons pas trop exigeans pour ce genre de pièces. Ceci est un conte. Je crois même que c’est un conte vaguement philosophique et modérément symbolique. La fleur merveilleuse est sans doute la tulipe sans rivale, l’Amiral, comme dans la charmante comédie de M. Jacques Normand. Mais ce doit être aussi, dans la pensée de l’auteur, l’amour. On a souvent comparé l’amour à une fleur dont il y a beaucoup d’échantillons vulgaires pour quelques-uns de qualité rare et d’essence subtile. Comment est-ce qu’il naît et germe dans une âme ? on n’en sait rien. Mais pour peu qu’il s’y soit implanté, bientôt il l’envahit tout entière. Ce qu’on peut regretter seulement, c’est qu’il n’y ait guère de proportion ici entre le sujet et le développement. Symbolique ou non, cette fleur est étouffée sous l’abondance des incidens, aventures, épisodes. Elle est noyée sous le débordement des vers. Un tableau de fleurs ne se doit pas traiter en tableau d’histoire, dirait Franz Hals. Et Gobelousse dirait : Il ne faut pas tant d’histoires pour conter un conte bleu.

Le grand succès a été pour Mlle Lecomte qui est le sourire et la grâce de cette interprétation. Elle a dessiné en charmante figurine le personnage de la petite Griet Amstel. M. Georges Berr a joué avec maîtrise le rôle de Gobelousse. Ce n’est pas sa faute si le rôle développé avec excès et ne comportant guère de variété dans ses effets, devient à la longue fatigant. Mlle Géniat a trouvé dans le rôle de la bohémienne Speranza l’occasion d’une de ses meilleures créations. Il faut avouer que les autres rôles ne portaient guère leurs interprètes. A M. Duflos est échu le rôle du gentilhomme français qui finit en traître de mélodrame. A Mme Silvain, celui de Régine, la mère garde-maniaque. Et je plains de toutes mes forces M. Dessonnes, à qui incombait la tâche ingrate de promener sur la scène la figure falote et pleurarde de Gilbert.


RENE DOUMIC.